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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

vent conduit à y déroger. Nous n’entendons le bruit du tonnerre que quelques secondes après la décharge électrique du nuage. De deux coups de foudre, l’un lointain, l’autre rapproché, le premier ne peut-il pas être antérieur au second, bien que le bruit du second nous parvienne avant celui du premier ?

XI. — Autre difficulté ; avons-nous bien le droit de parler de la cause d’un phénomène ? si toutes les parties de l’univers sont solidaires dans une certaine mesure, un phénomène quelconque ne sera pas l’effet d’une cause unique, mais la résultante de causes infiniment nombreuses ; il est, dit-on souvent, la conséquence de l’état de l’univers un instant auparavant.

Comment énoncer des règles applicables à des circonstances aussi complexes ? et pourtant ce n’est qu’à ce prix que ces règles pourront être générales et rigoureuses.

Pour ne pas nous perdre dans cette infinie complexité, faisons une hypothèse plus simple ; considérons trois astres, par exemple le Soleil, Jupiter et Saturne ; mais, pour plus de simplicité, regardons-les comme réduits à des points matériels et isolés du reste du monde.

Les positions et les vitesses des trois corps à un instant donné suffisent pour déterminer leurs positions et leurs vitesses à l’instant suivant, et par conséquent à un instant quelconque. Leurs positions à l’instant déterminent leurs positions à l’instant , aussi bien que leurs positions à l’instant .

Il y a même plus ; la position de Jupiter à l’instant , jointe à celle de Saturne à l’instant , déterminent la position de Jupiter à un instant quelconque et celle de Saturne à un instant quelconque.

L’ensemble des positions qu’occupent Jupiter à l’instant et Saturne, à l’instant est lié à l’ensemble des positions qu’occupent Jupiter à l’instant et Saturne à l’instant , par des lois aussi précises que celles de Newton, quoique beaucoup plus compliquées.

Dès lors pourquoi ne pas regarder l’un de ces ensembles comme la cause de l’autre, ce qui conduirait à considérer comme simultanés l’instant de Jupiter et l’instant de Saturne ?

Il ne peut y avoir à cela que des raisons de commodité et de simplicité, fort puissantes, il est vrai.

XII. — Mais passons à des exemples moins artificiels ; pour nous