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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

l’effet non pas cherché mais obtenu par le concours du conatus et des actions que l’être subit de la part des autres.

Mais ne poursuivons-nous pas réellement des fins ? Non, cela est impossible comment l’être sortirait-il de son essence ? Ces fins qu’il nous semble poursuivre ne sont que nos idées actuelles en tant que d’autres idées vont en sortir si les circonstances, dans leur cours fortuit, le leur permettent : car les idées sortent les unes des autres ou plutôt se succèdent selon la même nécessité que les affections qui en sont les objets. Cette nécessité est mécanisme dans le corps. Dans l’âme elle est imagination (habitude), mais elle peut aussi être autre chose, implication, dépendance intelligible. Réaliser en elle cette dernière nécessité en la superposant à l’autre, c’est le véritable bien de l’âme ; mais ce bien même[1] est-ce un bien poursuivi en dehors de régence la fin purement idéale d’une tendance indéterminée ? Non, c’est l’essence de l’âme se réalisant, c’est-à-dire s’entendant parfaitement elle-même dans sa dépendance de Dieu, ou plutôt c’est Dieu s’entendant partiellement en elle dans l’exercice absolu et l’union réalisée de ses deux causalités.

 

Chez Spinoza tout est dans tout, et l’on ne peut vraiment rien saisir à part.

2

Aux yeux de la raison, c’est-à-dire analysé par la réflexion, le monde est le phénomène par lequel se représente l’entendement dans un Moi personnel le rapport d’union et de dépendance qu’il soutient avec la totalité des êtres sentants qui participent avec lui, mais inégalement, à la vie de la pensée unique et divine, qui dans son fond est liberté et amour, c’est-à-dire esprit, action pure et parfaite.

Une bonne division des fonctions de l’esprit doit être faite en deux sens : c’est-à-dire qu’on doit les diviser d’abord au point de vue de leur objet ; et à ce point de vue nous adopterons la division de Kant :

  1. (Première rédaction, barrée)… est-ce un bien poursuivi, extérieur à l’essence ? Nullement ; ce n’en est que la pleine possession, la verité entièrement entendue ou mieux aperçue. Elle n’est pas l’œuvre d’une volonté indéterminée, mais le plein effet de l’essence elle-même dans sa vraie nature, c’est-à-dire dans sa dépendance de Dieu. La vertu n’est pas la cause de la béatitude, mais la béatitude est la cause de la vertu.
    Chez Spinoza… etc.
  2. Voir 28 et 34.