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P. LAPIE. MORALE B’ÉDUCTIVE.. 561

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Le troisième groupe d’erreurs comprend celles qui portent sur les définitions de la morale. La loi morale ne régit que les actions humaines les passions sont soumises à d’autres lois. Mais actions et passions se mêlent dans la vie humaine au point que nous ne savons pas souvent où commence l’une, où finit l’autre. Il en résulte que nous pouvons attribuer à des agents moraux dés événements amoraux et à des êtres amoraux des actions morales. Nous tenons nos semblables pour responsables de leurs actes instinctifs ou réflexes et pourtant ces actes ne sont pas des actes. Bien que nous tout une brute, et tous les coups qu’il reçoit sont pour lui des diminutions de son être pour rester.égal à lui-même, c’est-à-dire pour sauvegarder sa dignité, il doit reconquérir au détriment de son agresseur la force et le prestige physiques qu’il paraît avoir perdus coup pour coup, telle est alors la maxime conforme à la justice. Mais que la force cesse d’être l’étalon auquel se mesure la valeur humaine, que cette valeur paraisse résider dans la pensée^ et l’homme qui reçoit un coup ne se considère plus comme diminué au contraire, il remarque que son égal, en cédant à l’instinct, a cessé d’être son égal et il s’efforce de rendre à cet être dégradé sa valeur et sa dignité. Tendre la joue droite à qui vient de souffleter la joue gauche, ce n’est pas un acte de justice suffisant pour qui croit à la valeur de l’esprit, ce geste n’est qu’un symbole. II est destiné à faire sentir à l’homme violent son erreur prendre e cette attitude,- c’est dire « Ton injure ne me dégrade pas, mais te dégrade ». Et, précisément parce qu’elle le dégrade, mieux vaut essayer de relever, à ses yeux comme aux nôtres, le malheureux qui vient de déchoir. La bienfaisance active envers l’homme qui nous a fait du mal n’est donc que de la justice plus éclairée. Le talion des sauvages et la charité chrétienne sont inspirés par des vues différentes sur la définition de l’homme et de sa valeur mais la charité, comme le talion, est un mode de la justice. Erreurs relatives à notre valeur ou,à celle d’autrui, erreurs relatives àla notion même de la valeur humaine, toutes ces fautes de calcul nous empêchent d’appliquer où il doit l’être l’axiome de justice, de la même manière que nous ne mettons pas le signe = entre deux touts égaux, lorsque nous avons fait de leurs parties une énumération incomplète.