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S2 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

comme je l’ai déjà fait voir, s’exposer à une infinité de confusions et d’erreurs. »

Mais la simplicité de Dieu ne sera-t-elle pas elle-même un scandale pour les esprits peu réfléchis ? Les hommes ne sont-ils pas à mille lieues de comprendre que le simple seul est divin, et que le divin est simple ? On est, au contraire, tout naturellement porté à croire que ce qui est simple ne possède qu’un minimum de réalité. A cela, il n’y a qu’une réponse nous n’avons aucune connaissance concrète ou intuitive de l’être simple ; notre notion que le caractère propre de Dieu ou de l’absolu est l’identité avec soi-même, est une pure abstraction qui resterait tout à fait vide si nous ne lui donnions un contenu emprunté à notre nature telle que nous la connaissons. Nous constatons que l’identité avec soi-même est le propre du bien et du vrai, comme le désaccord avec soi-même est le propre du mal et du faux en général, de l’imperfection ou de l’anomalie. Par là, nous savons que Dieu ou l’absolu est le vrai et le bien dans leur pureté, la source de toute vérité et de toute bonté, de toute perfection en un mot. Et nous devons présumer que le vrai et le bien ne sont pas distincts l’un de l’autre en Dieu, dont la nature exclut toute diversité. La dualité du vrai et du bien résulte chez nous de ce que notre être, reposant sur une illusion ou une apparence, se compose nécessairement de deux parties différentes, l’une qui pense et qui connaît, l’autre qui sent et qui veut, en d’autres termes, le sujet et l’objet du moi. Or, cette dualité ne peut pas se rencontrer au sein de Dieu, ni, par conséquent, la différence du bien et du vrai. Il faut donc comprendre que nous connaissons seulement une ombre de Dieu, mais comme cette ombre suffit pour nous faire vivre et progresser, on voit combien il serait téméraire et déraisonnable d’appliquer à Dieu la mesure des choses physiques.

C’est ici que la religion vient en aide à la philosophie. Notre intelligence ne peut appréhender Dieu que d’une manière toute abstraite, dans le concept de la nature divine ou normale de notre pensée ; l’intuition de Dieu ne nous est pas possible. Mais nous possédons en outre le sentiment de notre affinité avec Dieu, comme avec notre nature vraiment propre ou normale, et ce sentiment, qui constitue l’essence de la religion, nous met dans un rapport plus intime avec Dieu que l’intelligence ne pourrait le faire. Aussi voyons-nous que le sentiment a révélé Dieu aux hommes, du moins à quelques hommes, quand leur intelligence égarée le cherchait encore dans.