Page:Revue de métaphysique et de morale, 1897.djvu/522

Cette page n’a pas encore été corrigée

818 BEVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

toute personnelle peut, en toute sincérité, donner à son auteur l’illusion d’une science objectivement établie ; M. Novicow, d’avoir laissé reconnaître combien des préférences subjectives s’imaginaient volontiers être scientifiquement justifiées pour avoir revêtu la livrée d’une pseudo-science ; M. Giddings, de nous avoir révélé le danger que courraient les sociologues à vouloir enseigner ce qu’ils ne savent pas encore ; M. Bernès enfin, de nous avoir d’abord prouvé l’insuffisance des conceptions antérieures de la sociologie, puis implicitement avoué, par la sienne propre, que la sociologie générale n’était pas, à proprement parler, une science

̃ L’utilité de pareilles œuvres sociologiques, pour être ainsi principalement négative, n’est en effet pas méprisable. Il faut déjà être reconnaissant à autrui de nous montrer, sans l’avoir voulu, ce qu’il ne faut pas faire. Après tout, il est possible (comme l’annonce M. Giddings, un peu prématurément il est vrai) que la sociologie, pour avoir essayé tous les moyens de s’égarer, en soit finalement réduite à prendre la bonne voie mais le danger ici est de tomber trop volontiers dans le sophisme de l’énumération incomplète. Il se peut également que la sociologie déflnitive ne puisse jamais se fonder, si vraiment elle prétend connaître une réalité concrète, connaître une sorte de « société en soi » qu’importe ? Les systèmes sociologiques se succéderont ainsi que se sont succédé les systèmes métaphysiques du passé. Répondant à la tendance de notre esprit à dépasser le phénomène ou l’abstraction qui est l’objet de notre science, ils sont légitimes dans cette mesure ; ils sont capables même d’avoir une utilité directrice.

Mais la sociologie est, en ce moment, autre chose encore qu’une ̃ science ou qu’une métaphysique elle est une mode. De cela on ne peut se féliciter, mais on ne peut non plus facilement se défaire. De tout temps, des beaux esprits, gens du monde, incapables d’une production artistique ou littéraire originale, ont cherché du moins à habiller d’une apparence de science la pauvreté de leur pensée per1. Cf. la juste remarque de M. Beiot (Introduction à l’ouv. cilé, p. lxsv) Quand on parle de physique générale, linguistique générale, on entend une science qui s’éloigne plus encore du concret que les sciences physiques, linguistiques spéciales. Au contraire on entend par sociologie générale une science qui approche du concret, l’enserre de plus près que n’ont fait les sciences sociales particulières’. Mili a fait cette confusion. En termes précis, il prend le mot général, avec une impropriété qui paraîtra singulière de la part d’un logicien si subtil et d’un terminologiste si scrupuleux, au sens de la compréhension et non au sens de l’extension. L’exemple de Mil ! a été suivi.