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46 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

d’autres hommes et des animaux comme des êtres semblables à lui, est naturellement porté à étendre ce procédé et à prêter une nature semblable à la sienne à tout ce qui se meut et exerce une action visible. Rien de plus naturel, en effet, que d’expliquer l’inconnu en lui assignant des attributs connus, et le besoin de se rassurer, de se prémunir contre les dangers et les maux de toutes sortes fait de cette explication une nécessité impérieuse. De là le culte des forces physiques.

Pour voir ce qu’est alors la religion, il suffit de lire les hymnes du Rig-Véda qui en sont l’expression la plus naïve et la plus limpide. Agni (le feu), Indra (le ciel sous son aspect météorologique), Surya. (le soleil), les Maruto (les vents], et d’autres phénomènes physiques, y sont invoqués avec une familiarité charmante, comme des personnages que l’on connaît intimement et dont on espère gagner aisément les honnes grâces par des prières et par des offrandes utiles ou agréables. Ce que l’on demande à ces dieux, c’est la santé, la richesse et l’exemption de tout mal physique ; l’égoïsme le plus pur s’y manifeste ouvertement, et l’on peut avec raison appeler la religion naturelle la religion de l’égoïsme. Or, c’est là ce qui fait, de nos jours encore, le fond de la religion son rôle est de rassurer le croyant dans ses appréhensions, de le consoler dans ses épreuves et ses chagrins par la foi en un dieu qui gouverne le monde et, en même temps, prend soin tout particulièrement de celui qui le prie. L’idée essentielle que l’on se fait de ce dieu est donc celle d’un créateur du monde qui le gouverne, qui a une nature semblable à celle de l’homme et qui peut veiller sur lui. Mais on veut, en même temps, que ce dieu physique et semblable à l’homme corresponde à une idée toute différente, à celle de l’être parfait, et là est la source d’une confusion qui empêche ceux qui la commettent de parvenir à la clarté en matière de religion.

La vraie religion est d’essence purement morale et opposée à tout égoïsme elle est le culte de l’idéal, et son œuvre est d’élever l’homme au-dessus de sa nature physique et individuelle. Le Dieu de la vraie religion est la norme ou la nature normale des choses, la source de toute perfection, et n’a absolument rien de commun avec le principe agissant de la nature. La vraie religion ne donne aucune satisfaction à l’égoïsme.

D’ailleurs la croyance en un dieu, telle qu’elle est la plus répandue, est-elle propre à assurer cette satisfaction ?’ En examinant de plus