Page:Revue de métaphysique et de morale, 1897.djvu/387

Cette page n’a pas encore été corrigée

y. DELBOS. Matière et mémoire. 383

’1 a. a""

pensée travaille à le résoudre ont pour effet, non pas de créer des · éléments en soi, mais de fixer aussi loin que possible de son centre les points d’où elle partira pour revenir à elle-même. La pensée tout entière reste virtuellement présente à chacun de ces actes ; et voilà pourquoi la synthèse restera possible mais précédée de l’analyse qui en aura résolu la matière en éléments et la forme en moments, la synthèse, au lieu d’être un fait nécessaire, accepté passivement comme une donnée, sera l’ordrc, reconnu par la pensée comme sien, des « idées claires » ; l’intelligence ne comprend que ce qu’elle lie après l’avoir délié.

En quoi cependant cette clarté pourrait-elle être supérieure à celle que nous fournit, selon M. Bergson, l’intuition immédiate ? Pourquoi chercher dans un acte hypothétique de pensée ce qui peut devenir objet d’expérience, à la condition qu’on aille <̃ chercher l’expérience à sa source, ou plutôt au-dessus de ce tournant décisif où, s’infléchissant dans le sens de notre utilité, elle devient proprement l’expérience humaine (p. 203) » ? Toute la question est-là, en effet, dans ce rapport de l’expérience humaine à ce qu’on pourrait appeler l’expérience vraie. Si l’idéalisme échoue, d’après M. Bergson, à expliquer le passage de l’ordre qui se manifeste dans la perception à l’ordre qui réussit dans la science, c’est qu’il a traité la perception comme une connaissance dont on ne comprend pas pourquoi elle est tout d’abord incomplète et incohérente. Si l’on laisse, au contraire, à la perception son vrai rôle, qui est de préparer des actions, il est aisé de comprendre le rapport qu’il y a entre la perception et les choses c’est le rapport de la partie au tout. La démarche essentielle de la recherche scientifique ou philosophique, car c’est ici tout un, consiste, en prenant des parties ce qu’elles contiennent d’objectif, à retrouver le tout. Mais n’est-ce pas là le postulat arbitrairement ajouté à l’ensemble de nos données, que l’expérience vraie doit nous présenter un tout et non pas simplement, pour ainsi dire, une somme supérieure de parties ? N’y a-t-il pas lieu de nous demander si, en supposant intimement unies dans une sorte de compénétration absolue les choses dont nous ne saisissons en nous que de minimes fragments, nous n’obéissons pas soit à un préjugé d’imagination, soit à une disposition rationnelle ? Dans le premier cas, le subjectivisme inévitable de la perception persisterait dans l’effort même que nous ferions pour nous en affranchir ; dans le second cas, ce ne serait pas par une vision directe du réel que nous