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même fait, bien et dûment constaté, vérifié et objectivé, c’est-à-dire une fois qu’il est pensé. En un mot, sa réalité consiste dans son intelligibilité.

On voit si nous sommes loin de la réalité que M. Hannequin attribue à la sensation brute. Sans doute, il ne méconnaît pas la valeur objective de la science, qu’il a au contraire fondée dans son chapitre de Y Apparence ; mais, comme ce titre même l’indique, il ne considère la réalité empirique que comme une apparence, et cherche derrière elle une réalité absolue qui se révèlerait à nous dans la sensation. Or, comme la science « s’éloigne du sensible à mesure qu’elle s’approche de sa vérité propre (p. 263) », elle n’arrive à la vérité qu’en tournant le dos à la réalité. Et cela n’a rien d’étonnant, puisqu’on a d’avance attribué à la sensation une réalité en vertu même de son inintelligibilité. Seulement, avant d’affirmer que la réalité est inintelligible, il faudrait avoir prouvé que l’inintelligible est réel et c’est sans doute ce que la raison se refuse à démontrer, et ce que rien ne la forcera à admettre, attendu qu’il n’est pas d’autorité extérieure et supérieure à la sienne.

Quoi qu’il en soit, la conclusion logique de cette théorie de la connaissance devrait être, semble-t-il, l’agnosticisme ; et en effet, on parle de la Réalité en termes presque mystiques « Les choses ont leur secret (p. 17). » « Le continu n’est rien qu’un substitut de la réalité sensible, qu’une forme qui enveloppe et qui résume tous les phénomènes, qu’un ensemble plus simple, mais non moins mystérieux, sous lequel ils nous cachent tous leurs mystères et toute leur nature. Rien n’est en nous, si près de la réalité que l’intuition sensible, cette mystérieuse union des choses et de nous-mêmes (p. 19) » Aussi ne sommes-nous pas surpris de voir l’existence des choses en soi présentée, en fin de compte, comme l’objet d’un « acte de foi » (p. 258). C’est avouer, au fond, qu’elle ne peut être établie par des arguments d’ordre rationnel, et que les choses en soi ne peuvent être objet d’une connaissance proprement dite. En tout cas, si l’on croit pouvoir deviner, sinon pénétrer la nature des choses, ce n’est pas par l’intelligence, mais par la sensation qu’on y réussira si donc l’on i. On remarquera que cette citation justifie !a question que nous posions plus haut à l’auteur Pourquoi n’a-t-il pas fait du continu, sinon une forme de la Réalité, du moins le schème Je plus adéquat que nous puissions en trouver ?