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ment arrêtée. Malheureusement l’artifice intellectuel s’accentue singulièrement, et, dans la même mesure, l’écart entre la vérité scientifique et la vérité de fait augmente.

Voici d’abord le rationalisme qualitatif, et avec lui le monde platonicien des essences. On sait quelle entrave offre à la coordination la nature différentielle des choses. Aussi la dialectique s’empresset-elle d’en abstraire son objet. Sous le nom de qualité, d’idée, de genre, ou de loi, elle dégage une unité qui représente l’élément de ressemblance, et à laquelle elle s’attache exclusivement. Cela correspond d’ailleurs au mouvement inhérent à la vie psychique. Du plaisir et de la douleur, la vie psychique passe nécessairement à la pensée ; de la pensée qui retient encore et la différence et la ressemblance, elle passe nécessairement à la pensée qui ne retient plus que la ressemblance. En vertu du rapport que suppose tout acte intellectuel, et de l’usure qui en résulte pour ses termes, l’élément différentiel doit disparaître. Avec lui, il est vrai, disparaît la pensée, et même la conscience, dont l’existence est toujours à double face. Mais la dialectique n’a pas besoin d’attendre la fin de ce procès ; il lui suffit d’insister sur le moment où l’élément différentiel n’offre plus qu’un obstacle insignifiant à la coordination. D’ailleurs, elle ne le négligera pas entièrement ; elle accomplira pour lui l’opération complémentaire dont il a été question. Il est à remarquer que les unités abstraites, qualités, idées générales, lois, en se combinant, se rétrécissent réciproquement. Les logiciens l’ont bien reconnu en disant que la compréhension des idées générales est en raison inverse de leur extension. La compréhension se mesure, en effet, au nombre d’idées abstraites combinées, et il est bien vrai que chaque nouvelle idée abstraite diminue l’extension de l’objet intellectuel qu’elle est destinée à former. Mais n’est-ce pas là une particularisation, une différenciation obtenue sans véritable élément différentiel, et dont la science pourra se servir pour faire entrer plus profondément la réalité dans ses cadres ? Ainsi en juge le rationalisme. Pour lui, le différentiel factice doit remplacer le différentiel donné. Un événement, par exemple, devient une rencontre de lois ; un objet devient un composé de qualités. Autant vaut dire que l’élément de ressemblance survit seul dans la pensée, même lorsqu’on s’efforce de prendre en considération l’autre élément. Celui-ci ne se présente plus que sous la forme d’un équivalent tiré de son opposé Et maintenant il suffirait d’un peu de réalisme pour