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224 ? REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

De la nécessité de l’intuition sensible on peut donc déduire que la matière de nos perceptions possède déjà par elle-même quelques déterminations. Mais, d’autre part, elle ne peut contenir des déterminations toutes faites, qui s’imposeraient d’avance à notre pensée car alors les concepts seraient pour ainsi dire préformés dans les sensations, et l’entendement n’aurait qu’à les reconnaître et à les ̃enregistrer. Or, de l’analyse profonde et subtile des conditions du jugement, l’auteur a conclu l’antériorité du jugement sur le concept, et par suite la spontanéité de l’entendement et son indépendance par rapport à la sensibilité. Pour concilier l’autonomie du jugement, en tant qu’acte synthétique de l’entendement, et son h été* ronomie, en tant qu’il s’applique au divers de l’intuition sensible et en constate les déterminations, il faut donner tort à la fois au rationalisme, qui réduit la sensibilité à l’entendement en faisant as la sensation une idée confuse, et à l’empirisme, qui réduit l’entendement à la sensibilité en faisant du concept la copie ou le felumé de nos sensations ; et adopter la thèse caractéristique du criticisme, à savoir l’hétérogénéité de la sensibilité et de l’entendement, d’où il résulte que leur mutuel concours est nécessaire à l’élaboration de la connaissance.

Ainsi ni la matière, ni la forme ne se suffit a elle-même et ne constitue à elle seule la connaissance et pourtant, nil’une ni l’autre ne peut être indéterminée, s’il est vrai qu’elles sont également indispen-sables. Mais alors, comment expliquer la concordance des déterminations que la matière tient des choses en soi avec celles que l’esprit lui impose en vertu de ses formes a priori^ Pour cela, il faut admettre que les données sensibles possèdent, non pas des déterminations fixes et précises, qui anticiperaient ou contrarieraient les opérations spontanées de l’esprit, mais des déterminations vagues et fluides en quelque sorte, qui appellent et attendent. les déterminations propres •de l’entendement ; et il faut aussi que les formes a priori soient, non pas des cadres rigides et tranchants, mais des moules élastiques, assez souples pour s’accommoder à toutes les données de l’intuition (p. âo7). C’est à ce prix qu’est l’accord des deux facultés inséparables et indépendantes à la fois dont la connaissance est l’œuvre commune. Or si cet accord est indispensable, il est aussi gratuit, pour ne pas. •t. Des pensées sans contenu sont vides. des intuitions sans concepts sont .aveugles ». Kant, C,’itique de la Raison pure, p. 75 de la 2. éd.