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QUESTIONS PRATIQUES

RÉFLEXIONS D’UN PHILOSOPHE SUR LES QUESTIONS DU JOUR LA SOLIDARITÉ

M. Bourgeois vient d’écrire un petit livre qui lui fait, à nos yeux du moins, beaucoup d’honneur. Nos hommes politiques sont presque tous maintenant, par habitude professionnelle, pourrait-on dire, comme par éducation, des empiriques qui se tiennent pour très contents chaque soir s’ils ont surmonté la difficulté du jour, et qui n’ont pas le temps de songer à celles du lendemain. M. Bourgeois nous donne cet exemple, rare chez nous, d’un homme de gouvernement qui. cherche à concevoir le but de l’évolution politique à laquelle il travaille et à se rendre compte des principes dont il s’inspire dans son action publique. Et comme ce politique philosophe est bien de son. temps et qu’il en partage les espérances et les préjugés, il nous offre en même temps un bon échantillon de l’état d’esprit de nos dirigeants les plus éclairés. C’est à ce point de vue, principalement, que je voudrais dire un mot de cette tentative philosophique, tout orientée vers la pratique.

M. Bourgeois se place, dès le début, au point de vue de la morale indépendante ; mais il n’y reste pas toujours fidèle. Nous avons déjà presque oublié la petite école qui avait pris, comme un drapeau, ce nom de morale indépendante, il y a plus d’une trentaine d’années. M. Massôl, M. Fauvety, Mmo Coignet, ces très respectables moralistes ne se réclamaient que de la conscience ; ils se séparaient de la science avec autant de soin que de la philosophie et de la religion ; et s’ils méritèrent les attaques tout à la fois de la philosophie universitaire avec M. Caro, et de la théologie avec M. Loyson, réunis dans la Sorbonne d’alors, ils ne furent pas mieux accueillis par le matérialisme scientifique qui régnait à ce moment. M. Bourgeois, au contraire, en maintenant l’originalité de l’idée morale, cherche à la concilier avec la science ; à certains moments même il paraît vouloir