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QUATRIÈME

DIALOGUE PHILOSOPHIQUE

ENTRE EUDOXE ET ARISTE


ARISTE. — J’ai hâte, mon cher Eudoxe, de m’entretenir avec vous de la nature du corps. J’avoue qu’au sujet de cette question je me trouve fort embarrassé. Les uns distinguent l’âme et le corps par des raisons si fortes que je ne parviens plus à comprendre comment ces deux contraires peuvent être unis ; les autres montrent si clairement en quoi le corps collabore avec la pensée que je me demande alors si le corps tout seul ne suffit pas à expliquer toutes les pensées.

EUDOXE. — Pour moi il me semble que je n’hésiterais pas longtemps entre ces deux doctrines, si j’avais à choisir entre elles ; car il est plus conforme à la nature de la pensée d’identifier que de distinguer.

ARISTE. — Direz-vous donc que le corps et la pensée sont une seule et même chose ?

EUDOXE. — Il est trop facile, Ariste, de dire que deux choses différentes sont une seule et même chose il faut voir en quoi, pourquoi et en quel sens elles sont une seule et même chose, en examinant chacune des difficultés qui peuvent être proposées : car tout est non seulement un mais aussi multiple. C’est pourquoi, si vous le voulez, nous examinerons aujourd’hui l’opinion de ceux qui disent que le corps pense.

ARISTE. — Je le veux bien.

EUDOXE. — Comment donc montrent-ils que le corps pense ?

ARISTE. — Ils disent que penser c’est lier deux ou plusieurs idées.

EUDOXE. — En parlant ainsi ils semblent ne rien dire de déraisonnable, Ariste.

ARISTE. – Ils tirent de là qu’aucune pensée n’est autre chose qu’une association entre deux idées.