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L. WEBER. IDÉES CONCRÈTES ET IMAGES SENSIBLES. 53 p- _~t-r-n~T-–

et qu’on doit caractériser cette fonction par le fait qu’avec elle l’existence s’est affirmée logiquement, c’est-à-dire dans tous les esprits, sans que le prisme de la conscience sensible et de la disposition individuelle en masquât l’identité sous une coloration subjective, et par cela même incommunicable, rien de moins hypothétique. Les conjonctures apparaissent seulement quand on veut expliquer le passage du contenu idéal au’ contenu sensible, et nous ne tenterons rien de semblable. Il suffisait de marquer le point où les deux ordres de faits, en se touchant, se montrent néanmoins si inadéquats l’un à l’autre ;

En ce qui concerne le langage, une question se pose. Primitivement émotionnel, comment se fait-il qu’il ne le soit plus aujourd’hui

? Par la parole, les hommes ne se communiquent que des 

idées singulières, particulières ou générales or les idées font pratiquement l’office de substituts de perceptions et de mouvements plutôt que d’états émotifs. Cela tient, répondra-t-on d’abord, à ce que la mémoire conserve surtout les perceptions et les mouvements, tandis que les états émotifs dans leur qualité laissent rarement de traces dans l’esprit. On expliquerait ainsi en même temps la tendance du cri à s’associer aux perceptions plutôt qu’aux émotions consécutives. Mais il reste alors à rendre compte de cette inégalité même d’aptitude à revivre par laquelle se distinguent les modes qualitatifs des autres modes psychiques, et la difficulté se trouve simplement déplacée. Une solution moins provisoire, semblet-il, s’offre dès qu’on rie considère plus le langage comme un produit de l’activité individuelle, mais comme une œuvre collective. En effet, si l’idéation et son expression verbale sont des phénomènes sociaux, elles ont dû se développer dans le sens de l’utilité commune plutôt qu’en vue d’une* plus grande perfection de vie individuelle. Aussi les événements qui n’intéressent que l’individu ont-ils dû rester en dehors de la sphère des idées et du langage. Telles sont les sensations subjectives et, par suite, la plupart des émotions. A ce domaine .très riche d’états de conscience ne correspondent, dans l’ordre intellectuel, qu’un petit nombre d’idées et de mots. Quand nous souffrons physiquement, nous savons indiquer l’endroit douloureux, mais nous n’avons que des analogies vagues pour communiquer à autrui la qualité spéciale de nôtre douleur. Rien de plus difficile aussi que de faire partager une émotion, une peine ou une joie, par le langage seul ; les mots, dit-on, n’en donnent qu’une « idée incomplète » ;