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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

On pourrait se demander si ces définitions ne sont pas obtenues par induction et généralisation : si Montesquieu n’a pas considéré diverses républiques, diverses monarchies, diverses lois, pour en dégager les caractères généraux de la république, de la monarchie, de la loi. Rien n’autorise à croire que tel ait été son procédé : « Je suppose, dit-il, trois définitions. » Il en est de ces définitions politiques comme des définitions géométriques : l’expérience a pu suggérer à l’esprit l’idée de les former plutôt que d’autres, mais elles ne sont pas formées des données de l’expérience, non plus que les définitions du cercle et du triangle. Elles sont a priori : elles n’impliquent aucune nécessité d’existence pour leurs objets, et la réalité connue de ces objets n’est en aucune mesure leur soutien ni leur garantie. Quand il n’existerait, quand jamais il n’aurait existé une monarchie ni une république, une oligarchie ni un despotisme, les propriétés et conséquences de toutes ces formes de gouvernement subsisteraient, et la construction de l’Esprit des lois resterait debout.

Une fois posées ces définitions, Montesquieu fait voir quelles sont les lois qui « suivent directement » de la nature et du principe de chaque gouvernement. Pour toutes ces analyses, qui vont du livre II au livre XIII, il n’a besoin que des notions générales qui se découvrent aisément dans l’idée d’une société politique : pouvoir et sujets, éducation des enfants, condition des femmes, jugements et peines, force offensive et défensive, impôts, puissance judiciaire, législative, executive. Chacune, de ces notions communes est mise en rapport avec les définitions, les natures, et les principes de gouvernements tous les problèmes qui se posent ainsi sont traités par l’analyse et résolus dans l’abstrait.

Lorsque la matière semble épuisée, Montesquieu la renouvelle, et s’ouvre un vaste champ de recherches par la considération de l’espace. Voila pourquoi l’influence des climats apparaît ici, et non plus tôt. Si Montesquieu partait des faits, et procédait par des généralisations d’expérience, il serait inadmissible qu’il eût attendu au XIV livre pour nous parler du facteur le plus considérable qui fasse varier les lois et les institutions. Mais, il n’avait pas à s’inquiéter des climats, quand il regardait les définitions pures et les rapports universels. Maintenant que, s’élevant à un degré supérieur de complexité, il va supposer les gouvernements dans l’espace, la première donnée à introduire est celle du climat ; car le climat (selon lui) est la grande cause de variation des lois dans l’espace. Tous les rapports,