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G. LANSON.PHILOSOPHIE CARTÉSIENNE ET LITTÉRATURE.

logie, les points de vue, les définitions, les conceptions de la philosophie cartésienne. Ainsi de la distinction de l’étendue et de la pensée procèdent les belles réflexions de Pascal dont le roseau pensant est le saisissant résumé. Ainsi de l’automatisme des bêtes, qu’il acceptait sans réserve, Pascal tirait que l’homme, ayant un corps, est « automate autant qu’esprit », et développait tout son système des moyens de « plier la machine ». Ainsi, réfléchissant sur les preuves cartésiennes de l’existence de Dieu, Pascal défendait à la raison humaine d’aller au delà d’une conception absolument vide et indéterminée de l’infini, et rendait à la foi, au dogme chrétien toutes les notions positives dont on enrichit cet infini pour en faire un Dieu vivant, parfait, aimable.

Ainsi encore, si tant de puissances trompeuses usurpent la place de la raison et donnent à tant de fantaisies l’autorité de la vérité, c’est que Pascal, comme Descartes, fait de la croyance l’œuvre commune d’un entendement borné et d’une volonté infinie : si bien que, là où l’intelligence ne fournit plus d’idées claires, la volonté se laisse aller à affirmer les idées confuses que lui fournissent l’imagination, le sens ou les passions. De ce que c’est à la volonté qu’il appartient d’affirmer, il résultera aussi qu’on pourra concevoir une certitude qui ne sera point fondée sur les raisons de l’esprit, lorsque la vérité sera évidente au « cœur ».

Ainsi, enfin, tout le morceau fameux des Deux Infinis suppose la méthode de Descartes et sa mathématique universelle : c’est bien de la science et de la raison que Pascal traite, mais c’est de la conception cartésienne de la science, c’est de la prétention cartésienne de conduire la raison à la connaissance de toutes choses en partant des notions les plus simples. Pour démontrer l’impuissance de la raison et le néant de la science, il prend la raison et la science telles que les organise et constitue Descartes.

Quant à Bossuet, la théologie catholique lui est une philosophie, et il n’a pas besoin, il lui est même impossible de se faire cartésien. Cependant il introduit dans ses écrits philosophiques bien des idées cartésiennes, qu’il estime conformes, ou non-contraires, à l’orthodoxie, et dans lesquelles il voit tantôt une formule claire et tantôt une explication possible des faits. Mais c’est surtout hors de ses traités spéciaux de philosophie, dans la partie vraiment littéraire et oratoire de son œuvre qu’il nous faut rechercher s’il a reçu l’empreinte de Descartes or il apparaît bien qu’elle a été profonde. Sou-