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G. LANSON.PHILOSOPHIE CARTÉSIENNE ET LITTÉRATURE.

minimum d’espace et de temps, peuvent se multiplier et varier à l’infini. Pour les autres genres, le monde, qui s’établit juge souverain des œuvres, ôte à l’écrivain toutes les matières spéciales que ne connaissent pas les honnêtes gens : n’ayant d’autre affaire dans ces relations de société que de se voir vivre les uns les autres, d’autre curiosité que de s’observer, d’autre intérêt que de se reconnaître, ils demandent aux auteurs de parler de ce qui leur plaît et de ce qu’ils savent. Or le monde, les règles, cela existe avant le Discours de la méthode par conséquent, cela n’en vient pas.

On ne saurait donc trop soigneusement s’attacher à distinguer, lorsqu’on étudie les rapports du cartésianisme et de la littérature, ce qui est simplement convenance, harmonie, parallélisme, et ce qui offre réellement une liaison d’antécédent à conséquent, de cause à effet. Puis on se souviendra que des causes multiples de tout ordre ont pu concourir avec le cartésianisme, et que dans le cartésianisme tout n’est pas nouveau et original. En sorte que, là où il y a affinité certaine, si, sur le point examiné, le cartésianisme lui-même a reçu une influence du dehors, il se peut que la littérature ait reçu l’empreinte non du cartésianisme, mais de la même cause à qui le cartésianisme se trouve redevable. Si donc on veut mesurer exactement l’apport littéraire de Descartes, il faudra s’attacher à trouver des relations entre certains faits littéraires nettement déterminés, et ce, qu’il y a de plus propre et personnel à Descartes dans la philosophie cartésienne.

Ces principes étant posés, nous pouvons commencer notre enquête.

I

Je trouve d’abord d’étroits rapports, mais sans influence possible, entre l’esprit de Descartes et l’esprit de la génération littéraire qui lui est exactement contemporaine.

Rien ne saurait être, sans doute, plus propre à Descartes que la première et essentielle règle de sa méthode « Ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle. » Il est remarquable pourtant que ce qui est principe méthodique chez le philosophe, est une disposition d’esprit de beaucoup de ses contemporains. Ceux même qu’on est le plus accoutumé à croire déférents envers les anciens et soumis à leur autorité, prétendent ne relever que de leur raison, et n’accepter aucune opinion que par l’évidence qu’un examen réfléchi leur y découvre. Chapelain fait