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48 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

tionnement normal de la vision des.objets ambiants, et est jugée par lui existant en tel endroit et à telle distance, présentant une forme, un aspect et des dimensions déterminées, ainsi réellement extérieure, le phénomène n’est pas qu’une perception. Les jugements que le. malade énonce et les raisonnements qu’il combine à ce sujet portent sur des choses, idées provoquées par l’image, non sur l’image sensible brute. Car si jugements et raisonnements se rapportaient au pur contenu sensible, comment seraient-ils exprimables ? Les mots impliquent des idées que la perception fait naître, mais qu’elle ne constitue point. Une hallucination, c’est-à-dire une image objectivée à tort n’est pas plus fausse qu’une perception normale n’est vraie. Toutes deux tendent à Fobjectivation et la localisation ; mais dès qu’on les affirme comme vraies et réelles, on les pense, on leur assigne l’existence logique, on les recouvre d’idées particulières qui aussitôt les dénaturent, et cette dernière opération dépasse l’ordre sensible. Quand un halluciné attribue au monde de fantômes qui le hantent une réalité que nous n’accordons point, les objets du litige sont des êtres – ou des idées de choses existantes et les images ne sont que l’occasion d’affirmations mentales et verbales. Les affirmations ont besoin de mots, et les mots de notions, qui enveloppent ’alors la pure représentation, et qui, elles, résultent d’un accord antérieur avec les autres hommes. L’hallucination n’est fausse que par les idées qu’elle suscite et dont elle se pénètre ; en lui-même, son objet possède la réalité sensible au même degré que la perception. C’est pourquoi le monde extérieur, avant l’idéation, n’est ni une illusion, ni une réalité existante ; ni une erreur ni une vérité. Donné dans la perception, il ne s’en sépare point, et c’est un non-sens que d’en faire un objet de jugement proprement dit.

D’un autre côté, du moment que la forme de toute idée est existence logique ou être, l’ancienne question de savoir si les noms de choses désignent les idées ou les choses mêmes ne présente aucune difficulté. Tant qu’on réserve l’appellation idée aux concepts, manifestement généraux et abstraits, on peut, en effet, croire que,les noms de choses ne désignent pas des idées ; mais, quand on vient à reconnaître qu’un objet, quoique concret et singulier, prend, dès qu’il est pensé et dénommé, le caractère d’une notion, revêtue de l’existence exprimée par le nom et dégagée des contingences sensibles, il est clair que tous les noms dénotent des idées. L’idée singu-