Page:Revue de métaphysique et de morale, 1896.djvu/33

Cette page n’a pas encore été corrigée

E. BATAILLON. LOUIS PASTEUR. 31

à l’Académie, il ajoutait « Je comprends trop le respect qui doit s’attacher à ce qu’a pensé ou écrit, même dans le silence du laboratoire,, notre illustre confrère, pour me permettre de signaler dès à présent ce que je trouve de très défectueux dans ces notes, à les prendre dans leur texte absolu. » Mais le jour où il fut convaincu que ce manuscrit était, beaucoup plus qu’il ne l’avait cru d’abord, l’expression de la pensée du grand physiologiste, il n’hésita plus. « M. Bernard, dit-il au début de sa. réfutation, eût été le premier à me rappeler que la vérité scientifique plane au-dessus des convenances de l’amitié et que j’ai le devoir, à moïi tour, de discuter en toute liberté ses vues et ses opinions. »

Cette confiance qu’avait Pasteur dans la vertu merveilleuse des éléments dont il disposait n’était pas seulement une arme défensive, c’était un ressort pour la recherche des applications. Quand M. Dumas lui parla pour la première fois du fléau qui désolait le midi de la France, des maladies des vers à soie, et le pria de chercher à le conjurer, Pasteur fut ’dans une grande perplexité, comme il le déclare « Considérez, je vous prie, que je n’ai jamais touché un ver à soie ; si j’avais une partie de vos connaissances sur le sujet, je n’hésiterais pas il est peut-être dans le cadre de mes études "présentes. Toutefois le souvenir de vos bontés me laisserait des regrets amers si je refusais votre pressante invitation. Disposez de moi. » Et le voilà plongé pendant cinq années consécutives dans une étude nouvelle. N’avait-il réellement d’autre perspective que celle qu’il nous indique tout sacrifier pour secourir l’infortune, donner aux jeunes savants le salutaire exemple des longs efforts dans un sujet difficile et ingrat ? Il avait en plus la confiance dans le succès. En disant à Dumas que peut-être le sujet était dans le cadre de ses études présentes, il màrquait au départ son idée a priori, l’idée de la nature parasitaire du mal, de sa transmissibilité par contagion et par hérédité. Et lorsque son intuition prit le corps d’une réalité, il eut la double satisfaction d’avoir servi son pays sans quitter sa voie et d’avoir renversé du premier choc une difficulté contre laquelle s’étaient vainement heurtés des professionnels émérites. Cette satisfaction ressort nettement des lignes qui suivent « II est des sujets qu’il vaut mieux aborder l’esprit libre d’idées préconçues et sans la connaissance des travaux qui les concernent, alors que la part n’a pas encore été faite entre les vérités et les erreurs ’que ces travaux renferment. J’aurais connu, en 1865, les assertions, des