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II. Une dictée célèbre

On raconte qu’un soir à Compiègne, pendant les dernières années de l’Empire, on parlait des difficultés de l’orthographe française. Quelqu’un proposa de faire une expérience et Mérimée fut prié de dicter aux assistants quelques phrases un peu difficiles. Il y avait là des hauts fonctionnaires et même des académiciens. Il paraît que l’épreuve fut désastreuse.

Voici le texte imaginé par Prosper Mérimée :

Quelles que soient, quelque exiguës que t’aient paru les arrhes qu’étaient censés avoir données à maint et maint fusiliers subtils la douairière et le marguillier, bien que lui ou elle soit censé les leur avoir refusées et s’en soit repenti, va-t-en les réclamer de table en table, bru jolie, quoiqu’il ne te siée pas de dire qu’on les leur aurait suppléées par quelque autre motif.

On connaît le résultat. L’impératrice ornementa son « devoir » de quatre-vingt-dix fautes, tandis que l’empereur, plus modeste, n’en commettait que soixante dans le sien. Mais des témoins plus avertis affirment que le « devoir » de l’empereur fut irréprochable, que les autres concurrents n’étaient pas tous académiciens ; que c’est à tort qu’on a attribué une malice intentionnelle à Victor Duruy.

La vérité est que cette « épreuve » fut imaginée, comme un jeu de salon, par Prosper Mérimée, entre deux charades un peu lestes.