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VARIA I. — L’éléphant et les aveugles, fable indienne Dans le Kadàmanjari, recueil de contes tamouls, on trouve (à 23) le petit récit suivant dont M Ariel a déjà donné une traduction dans le Journal Asiatique de 1847. p. 48. J’ai repro- duit le texte dans mon Ma nue/ tamoul, p. (n° 10) : « Quelques aveugles de naissance s’étaient" rendus dans un endroit et y demandaient l’aumône, ils se dirent : « il faut voir un éléphant » et ils présentèrent leur requête à un cornac. Celui- ci, arrêtant son éléphant, leur dit : « allez-vous en, après l’avoir bien regardé » — « c’est bon », répondirent-ils, et un des aveugles regarda en tâtant une jambe (de l’animal): un aveugle regarda en touchant la trompe; un autre tegarda en touchant l’oreille; le dernier regarda en touchant la queue. Après avoir ainsi regardé, ils se retirèrent décote et se mirent à se parler l’un à l’autre de la nature de l’éléphant. Alors celui qui avait tàté la jambe dit : « l’éléphant est comme un mortier »; celui qui avait regardé la trompe dit : « l’éléphant est comme un pilon »; celui qui avait regardé en touchant l’oreille dit : « l’éléphant est comme un van »; celui qui avait regardé en touchant la queue dit : « l’élé- phant est comme un balai ». Et s’exprimant ainsi l’un vis-à-vis de l’autre, ils se querellaient sans cesse. C’est de la même ma- nière que les chefs des diverses sectes philosophiques jugent, d’après leurs traités doctrinaires, de la nature de l’être suprême qui n’est pas adéquate à l’esprit (nunaain). » A trente quatre ans de distance, il a pris fantaisie à deux de mes élèves de faire de cet apologue une fable en vers français. Le premier, qui avait envoyé sa version poétique à l’Académie des Jeux Floraux de Toulouse, étail un jeune Basque, rêveur et mystique, qui mourut trois ans plus tard lamentablement dans