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envoya sa parole ou son Verbe, tout en restant uni à son Fils. De même qu’un homme envoie, sans le quitter[1], son verbe à ses auditeurs, ainsi le Verbe de Dieu s’incarna et devint un homme parfait par l’opération du Saint-Esprit dans le sein de la Vierge Marie. Il naquit de cette Vierge selon la nature humaine, et non selon la nature divine, qui ne peut recevoir aucun accident.

Marie le mit au monde en gardant intacte sa virginité, ainsi qu’elle l’avait conçu sans la coopération d’aucun homme. Sa virginité fut conservée comme le buisson qu’aperçut Moïse et qui brûlait sans être consumé par les flammes. Quand nous disons que le Christ est Fils de Dieu, qu’on n’aille donc pas nous soupçonner de lui attribuer une filiation toute humaine ; nous ne voulons pas dire non plus que le Père existe avant le Fils, ou qu’il a eu un fils né d’une compagne ; le Coran lui-même nous justifie de toute accusation semblable, quand il dit : « Créateur du ciel et de la terre, comment aurait-il des fils, lui qui n’a point de compagne[2] ? » Et Mohammad confirme la parole du Fils disant : Je suis le Verbe. (Voici en effet le texte du Coran) : « Dis : Je ne jurerai point par ce pays-ci, le territoire que tu es venu habiter, ni par le Père ni par le Fils[3] ».

Quant à l’Incarnation du Verbe de Dieu qui s’est véritablement fait homme, Mohammad en donne la raison suivante. — Dieu, dit-il, n’a jamais parlé à aucun des prophètes, si ce n’est à tra-

  1. Ces paroles rappellent celles de saint Fulgence (ad Monimum, iii, 7) : « Sic est Verbum apud Deum sicut est in mente verbum… Sicut de tota mente nascitur verbum, sic intra totam permanet natum » (V. Patrolog. de Migne, t. LXV, p. 204). De même, saint Cyrille d’Alexandrie (Dialog. 2 de Trin., Migne, t. LXV, p. 767 sq.) : « Verbum manet in mente generante et mentem generantem habet totaliter in se… et oportet simul existere cum Patre Filium et vicissim Patrem cum Filio… »

    Les Pères se servent souvent de cette comparaison du Fils avec le verbe de l’esprit humain pour expliquer la compénétration mutuelle des Personnes divines, appelée par les Grecs περιχώρησις ou ἐνύπαρξις et par les Latins circumincessio.

  2. vi, 101. Mohammad, on le voit, prend les termes de Père et de Fils au sens matériel et humain. Rien d’étonnant qu’il ne puisse comprendre la signification du mystère de la Très Sainte Trinité. (Cf. Marracci, II, p. 53. Refut., ii.)
  3. xc, 1-3. « Je » = Dieu. « Par ce pays-ci », i. e. La Mecque, « ni par le Père ni par le Fils ». Ràheb entend par là Dieu le Père et Dieu le Fils. Mais les commentateurs musulmans ne sont pas de cet avis. Ainsi Gélal applique ces mots à Adam et à sa postérité. (V. Marracci, II, p. 802.)