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la bague en or qu’il portait et la lui donna en disant : Je te remercie de m’avoir procuré de tels biens.

43. —[1]Un frère demeurait dans une cellule d’Égypte et brillait par sa grande humilité, or il avait une sœur qui se prostituait à la ville et causait la perte de beaucoup d’âmes. Les vieillards pressaient donc souvent le frère et l’engageaient à aller la trouver pour lui persuader de ne plus provoquer de péchés. Quand il arriva chez elle, l’un de (leurs) familiers alla lui dire : Voici que ton frère est à la porte. Elle, pleine d’émotion, abandonna les amoureux qu’elle servait et s’élança, la tête non couverte, au-devant de son frère. Comme elle s’approchait pour l’embrasser, il lui dit : Ma chère sœur, aie pitié de ton âme, car beaucoup se perdent à cause de toi ; comment pourras-tu supporter les tourments éternels et pénibles ? Elle devint toute tremblante et lui dit : Sais-tu si je puis encore me sauver à partir de maintenant ? Il lui dit : Si tu le veux tu peux te sauver. Elle se jeta aux pieds de son frère et le supplia de l’emmener au désert avec lui. Il lui dit : Mets ta coiffure sur ta tête et suis-moi. Elle lui dit : Allons, car il vaut mieux que je manque aux bienséances (en sortant) la tête nue que de rentrer dans la prison du désordre. Pendant qu’ils faisaient route, il l’exhortait à la pénitence. Ils en virent qui venaient au-devant d’eux et il lui dit : Comme tous ne savent pas que tu es ma sœur, éloigne-toi un peu de la route jusqu’à ce qu’ils aient passé. Quand ce fut fait, il lui dit : Continuons notre route, sœur. Comme elle ne lui répondait pas, il tourna la tête et vit qu’elle était morte. Il s’aperçut aussi que les traces de ses pieds étaient ensanglantées, car elle était nu-pieds.

Lorsque le frère eut raconté aux vieillards ce qui était arrivé, ils en conférèrent entre eux. Dieu fit une révélation à son sujet à l’un des vieillards : Puisqu’elle ne s’est préoccupée d’aucune chose temporelle et qu’elle a oublié jusqu’à son propre corps en ne gémissant pas lorsqu’elle souffrait (de marcher nu-pieds), à cause de cela nous avons accueilli sa pénitence.

44. — Un vieillard[2] avait un disciple qui était tenté et le vieillard l’encourageait en disant : Résiste, enfant, c’est un combat que te livre l’ennemi. L’autre lui répondit : Je ne puis résister, abbé, si je ne fais pas la chose. Le vieillard se mit à feindre et lui dit : Je souffre aussi, enfant, allons ensemble et faisons la chose, puis nous reviendrons à notre cellule. Le vieillard avait une pièce d’argent, il la prit et, lorsqu’ils arrivèrent au but, il dit à son disciple : Reste dehors, laisse-moi d’abord entrer, ce sera ensuite ton tour. Le vieillard entra, donna la pièce d’argent à la prostituée et la pria de ne pas souiller ce frère. La prostituée lui promit de ne pas souiller le frère. Le vieillard sortit donc et dit au frère d’entrer. La

  1. Cf. Histoire d’Abraham, M, 651-660. Paul, 508. On peut se demander si la fin de l’histoire d’Abraham n’est pas une paraphrase de la présente histoire. La traduction latine se trouve dans M, 808, n° 217 et 1018, n° 2, et le grec dans Paul, 10.
  2. Coislin 127, f. 85. Paul, 511.