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SÉOUL

Les hauteurs aux pics aigus et aux cimes dentelées qui entourent la ville de toutes parts sont complètement déboisées et dépouillées de toute végétation. La ravissante clarté de l’atmosphère les fait paraître encore plus hautes et plus escarpées. L’œil ne rencontre partout qu’une teinte grise de désert et cherche en vain à se reposer sur l’azur d’un lac ou le vert des grandes prairies.

Il ne faudrait cependant pas déduire de l’aspect désolé des environs de Séoul que le reste de la contrée est aussi dénudé et impropre à toute culture. Le désert de la capitale est une exception, qui s’explique par les déboisements à outrance pratiqués depuis un millier d’années par plusieurs centaines de mille d’individus groupés autour de la cour impériale[1].

Le Coréen est un grand consommateur de combustible : il chauffe sa maison non seulement pendant un très long hiver, mais même pendant les plus chaudes journées de l’été. Nul Asiatique[2] ne sait mieux que lui se créer un intérieur agréable et sain pendant l’hiver : mais l’alimentation continuelle de son chauffage, ingénieusement construit sous le sol de sa demeure, engloutit d’énormes quantités de bois. Les mines de charbon, trop rudimentairement exploitées, ne fournissent qu’une très faible quantité du combustible nécessaire. Il ne faut donc pas s’étonner si, après plusieurs siècles d’extermination continue, il ne reste plus un seul arbre des antiques forêts de cèdres et de sapins qui couvraient autrefois la région. Celles qui s’étalent sur les hauteurs des provinces de Kang-ouen-to et de Ham-Kieng-to sont encore très belles, bien que littéralement massacrées par la population, heureusement peu dense, qui vit dans leur voisinage ; mais si les indigènes continuent leur système de dévastation insouciante, le pays sera réduit dans quelques siècles au même état de désolation que la Mandchourie.

La ville est largement circonscrite par une enceinte bâtie sur le modèle de la Grande muraille chinoise, mais de proportions moins grandioses. Elle s’élève jusque sur les crêtes avoisinantes, sur des hauteurs où, selon toute probabilité, il n’existera jamais de maisons, puis redescend dans la plaine à de telles distances de la ville qu’on ne l’aperçoit plus que difficilement. Séoul n’étouffera jamais dans ses murs.

À l’intérieur de cet immense périmètre, des rues pareilles à des places publiques démesurément allongées, bien plus larges que les plus

  1. Songdo, ancienne capitale jusqu’en 1392, et Séoul ne sont séparées en effet que par une distance de 50 kilomètres.
  2. Le Chinois se chauffe bêtement, aveuglé par la fumée, devant un poêle en maçonnerie où brûlent de la paille, des herbes et du bois : il se couche souvent dessus, au risque d’être asphyxié. Le Japonais ne se chauffe pas : il ne connaît ni le poêle apparent chinois, ni le poêle souterrain coréen et se contente d’une simple petite chaufferette pour se dégourdir les doigts.