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REVUE DE GÉOGRAPHIE

L’observateur du mont Namsan aperçoit ensuite, au-dessus du fourmillement de cases, des fils de fer, des câbles et des poteaux munis de godets blancs ; il se frotte les yeux, croyant être le jouet d’une illusion. Mais non, il ne se trompe pas ; ce sont bien des fils télégraphiques et des câbles de transport de force. Sa surprise sera encore plus profonde quand il constatera, en se promenant dans la ville, que Pékin, Tokyo, Bangkok et Changhaï même, sont très au-dessous de Séoul au point de vue des installations télégraphiques, téléphoniques, de l’éclairage et des tramways électriques. Alors qu’il n’a pu se promener qu’en vulgaire jïnrickscha dans les belles rues modernes des ports à traités chinois, il circulera au contraire à toute vitesse, dans un car électrique confortable, à travers les misérables et vieilles rues de Séoul.

Notre observateur, revenu de sa stupéfaction, découvre peu après quelques maisons de style européen qui, tranchant dans le cadre uniformément grisâtre, semblent annoncer aux Coréens qu’une ère toute nouvelle s’ouvre pour leur pays. Ce sont les résidences du corps diplomatique et les églises catholiques et protestantes. Les plus belles constructions sont celles des puissances qui jouent ici un rôle prépondérant : le Japon, la Russie, la France. Le Japon possède non seulement un beau consulat, mais un magnifique palais d’ambassade, construit sur une petite hauteur entourée de casernes, d’écoles, de banques, de magasins, d’hôpitaux japonais, et un bel hôtel des postes tout flambant neuf, sur lequel flotte fièrement, au grand déplaisir du gouvernement coréen, le pavillon blanc avec soleil rouge. La Russie et la France n’ont pas voulu rester en arrière : leurs ministres habitent de véritables palais, devant lesquels les petites maisons coréennes avoisinantes semblent vouloir rentrer sous terre.

Le représentant des États-Unis est installé plus modestement dans une maison indigène.

Le consul allemand résidait il y a peu de temps encore, dans une véritable bicoque. La Gazette de Cologne écrivait à ce sujet : « Les Coréens doivent croire que l’Empire allemand est un modeste petit État dans le genre du Monténégro ou du Luxembourg : un fantassin de la garde impériale pourrait à peine se tenir debout dans le consulat. » Le consul, le Dr Weipert, humilié d’être constamment courbé en deux, a fini par louer une petite maison de commerce de style européen appartenant à la compagnie hambourgeoise Meyer et Cie. Mais sa nouvelle résidence est loin d’être en rapport avec le rôle que prétend jouer le souverain allemand en Extrême-Orient[1].

  1. Il est à remarquer que toutes les puissances, y compris la Belgique, sont représentées en Corée par des ambassadeurs ou des ministres plénipotentiaires ; l’Allemagne seule n’entretient qu’un simple consulat, sans vice-consul et interprète.