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eh bien, vous auriez averti vos frères de l’Internationale des Transports et tous ces navires eussent été immobilisés en mer ! Voilà un effet de la solidarité ouvrière internationale !

L’enthousiasme fut indescriptible. La salle délira. Avramaki fut hissé sur des épaules. Les hommes et les femmes pleuraient. Quelques voix sanglotantes crièrent :

— Vive le syndicat ! Vive la solidarité internationale ! Bravo Avramaki !

Dès qu’il échappa aux mains de ses adorateurs, Avramaki cria du haut de sa chaise :

— Camarades ! Maintenant, aux actes ! Nous allons, sur-le-champ, jeter les bases du premier Syndicat des Travailleurs du Port de Roumanie. Je vais faire le procès-verbal de la séance, l’envoyer au Comité Central de Bucarest et lui demander des statuts, des cartes de membres et l’affiliation. Veuillez donc nommer douze camarades, que vous sachiez parfaitement honnêtes et sérieux. Nous allons constituer le Comité.

— Dimitri le Borgne !

— Radou Popa !

— Gavrila le Long !

Une voix contesta le dernier :

— Non ! Gavrila est honnête et sérieux, mais il boit un peu trop !

— Un autre, qui boit moins ! — dit Avramaki, la plume à la main, assis à la table qui devait servir à la bénédiction.

Le comité constitué, Avramaki lui demanda de se donner un secrétaire.

— Mais c’est vous le secrétaire ! — dirent les hommes. — Nul d’entre nous ne saurait se débrouiller dans cette machinerie !

— Moi, mes amis, je peux vous aider de mes modestes lumières, mais vous avez besoin d’un homme qui soit là en permanence, pour les multiples occupations qu’impose le secrétariat d’une grande organisation comme sera la vôtre avant demain soir. Et, voyez-vous, j’ai mon métier de cordonnier, vous savez bien que je ne peux pas le quitter. C’est mon gagne-pain.

La foule protesta, insista ; Radou Popa cria :

— Vous allez quitter vos savates ! Nous aurons ce soir mille