ardeur au travail et de ses multiples capacités. On savait aussi qu’Adrien n’était pas un ignare.
— Allons, voyou, faisons la paix, — dit la vieille. — Mais je ne plaisante pas : il me semble que cette nuit tu as couché avec la Hongroise.
— Et quand ce serait vrai, qu’est-ce que cela pourrait bien vous faire ? Vous ne voudriez tout de même pas que je couche avec vos filles ?
— Justement, Adrien, justement ! Mes filles n’ont que trop l’envie de coucher avec quelqu’un ! Et elles y couchent pas mal ! Voilà ce qui est terrible !
— Eh bien, vous blâmez vos enfants…
Le bruit des chiens remplit les corridors et aussitôt la voix d’Anna retentit sur le seuil de la pièce :
— De quel blâme s’agit-il ?
Et, pressentant des choses mauvaises, elle se tourna, furieuse, vers sa mère :
— Maman ! Si tu continues à être méchante et si par malheur tu nous chasses Adrien, eh bien, il y a ordre de M. Bernard de t’envoyer à Franz, en Allemagne ! On en a par-dessus la tête de ton schnaps !
Puis, à Adrien
— Tu vois ? Maintenant, achète-lui encore de l’eau-de-vie !
La pauvre madame Charlotte fit une horrible grimace :
— C’est cela : je ne suis plus, pour vous, qu’une ivrognesse bonne à empaqueter et à expédier en Allemagne !
Adrien intervint :
— Madame Anna, laissez-moi vous dire que, cette fois, c’est moi qui suis fautif. Mais ma faute n’a aucun rapport avec l’accomplissement de mes devoirs ici.
Anna fut à mille lieues de penser à la nature de sa faute. Elle alla s’installer à la portière du fourneau, pour se friser les cheveux. À l’arrivée de la servante :
— Bravo, Julie ! — lui dit-elle. — Ta salle à manger d’aujourd’hui est un amour !
— C’est parce qu’Adrien a bien voulu m’y aider, madame.
— Alors je comprends.
Et Anna braqua sur Adrien deux beaux yeux soupçonneux qui lui firent baisser les paupières. Un instant après,