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LA MAISON THÜRINGER[1]


L’aube du jour qui suivit cette soirée, terminée d’une façon si mémorable pour Adrien, surprit le jeune homme dans le lit de la belle Hongroise. Celle-ci dormait profondément, toute blanche, au milieu d’un tas de dentelles et de rubans multicolores. Adrien la contempla, le cœur gonflé de reconnaissance, baisa pieusement la main crevassée qu’elle tenait sur sa poitrine et pensa :

« Oui, dorénavant, tu ne laveras plus la vaisselle. Je m’en chargerai, moi ».

Et, avec son habitude de pousser toute chose à l’extrême, il ajouta :

« Je ferai aussi ta salle à manger et j’allumerai le feu de la cuisinière. De cette manière, tu pourras dormir une heure de plus. »

Il savait que Julie était très malheureuse d’être obligée de se lever tôt. La sonnerie du réveil était fixée sur cinq heures et demie. Il l’avança à six heures et demi. Puis, avec beaucoup de précautions, il se glissa hors du lit, s’habilla et s’attela à la peine : trois gros bureaux, un vestibule et les corridors, plus les deux cours à balayer.

Habituellement, se levant à cinq heures, il achevait ce travail au bout de deux heures d’efforts soutenus ; et il le fallait bien, car, à sept heures, madame Thüringer se levait et il devait aussitôt l’accompagner au marché. Maintenant, il était quatre heures du matin. Il décida de commencer par

  1. Voir la Revue de Paris du 15 octobre.