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que maître Bocaille, le pharmacien, n’était qu’un ibis dégénéré, puisqu’il était contraint de se servir d’un instrument pour infiltrer ce remède si simple que, suivant Hérodote, l’oiseau sacré s’administrait lui-même avec l’unique secours de son bec allongé.


X

comme quoi un saltimbanque peut être plus rusé
qu’un savant docteur


Le docteur Héraclius continua néanmoins sans se décourager la série de ses découvertes. Tout animal avait pour lui désormais une signification mystérieuse ; il cessait de voir la bête pour ne contempler que l’homme qui se purifiait sous cette enveloppe, et il devinait les fautes passées au seul aspect de la peau expiatoire.

Un jour qu’il se promenait sur la place de Balançon, il aperçut une grande baraque en bois d’où sortaient des hurlements terribles, tandis que sur l’estrade un paillasse désarticulé invitait la foule à venir voir travailler le terrible dompteur apache Tomahawk ou le tonnerre grondant. Héraclius se sentit ému, il paya les dix centimes demandés et entra. Ô fortune protectrice des grands esprits !… À peine eut-il pénétré dans cette baraque qu’il aperçut une cage énorme sur laquelle étaient écrits ces trois mots qui flamboyèrent soudain devant ses yeux éblouis : « Homme des bois ». Le Docteur ressentit tout à coup le tremblement nerveux des grandes secousses morales et, flageolant d’émotion, il s’approcha. Il vit alors un singe gigantesque tranquillement assis sur son derrière, les jambes croisées à la façon des tailleurs et des Turcs, et, devant ce superbe échantillon de l’homme à sa dernière transmigration, Héraclius Gloss, pâle de joie, s’abîma dans une méditation puissante. Au bout de quelques minutes, l’homme des bois, devinant sans doute l’irrésistible sympathie subitement éclose dans le cœur de l’homme des Cités qui le regardait obstinément, se mit à faire à son frère régénéré une si épouvantable gri-