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LA REVUE DE PARIS

que la pauvre Zénobie m’avait dit, que c’était une histoire impossible, abominable et qu’ils lui avaient payé tout ce qu’ils lui devaient jusqu’au dernier sou.

— C’était peut-être vrai.

— Alors peut-être qu’ils vous ont payé, vous aussi !

— Faisons comme s’ils l’avaient fait et n’en parlons plus.

— Ils l’accusèrent de mensonge et d’escroquerie, — insista Morgan qui s’en tenait à la vérité historique. — Voilà pourquoi je ne veux pas leur parler.

— De peur qu’ils ne m’accusent moi aussi ?

Morgan ne répondit pas et Pemberton abaissant son regard vers lui le vit détourner ses yeux remplis de larmes et comprit qu’il n’avait pas eu la force d’exprimer toute sa pensée.

— Vous avez raison. Ne les tourmentez pas, — poursuivit-il. — En dehors de cela, je le répète, ce sont des gens charmants.

— En dehors de leurs mensonges et de leurs escroqueries.

— Allons ! Allons ! — s’écria Pemberton, imitant un ton de l’enfant qui était lui-même une imitation.

— Soyons francs, à la fin ; il faut nous entendre, — dit Morgan avec l’importance d’un petit garçon qui s’imagine régler de grandes affaires, presque comme s’il eût été en train de jouer au naufrage, ou aux sauvages. — Je suis au courant de tout.

— Je suppose que votre père a ses raisons, — répondit Pemberton trop vaguement, comme il s’en rendit compte.

— Ses raisons pour mentir et escroquer ?

— Pour économiser, bien gérer sa fortune, tirer le plus grand parti possible de ses ressources. Il a beaucoup de charges. Sa famille lui coûte cher.

— Oui, je lui coûte cher, — approuva Morgan de telle manière que son précepteur éclata de rire.

— Il économise pour vous. Vos parents pensent à vous dans tout ce qu’ils font.

— Pendant qu’il y est, il pourrait tout aussi bien mettre de côté un peu…..

Le petit garçon s’arrêta et Pemberton attendit la fin de sa phrase. Puis Morgan ajouta sur un drôle de ton :

— Un peu de bonne réputation.