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vague et précise de créer une atmosphère de vulgarité, ce fut simplement la grâce toute particulière avec laquelle elle répondit :

— Oh ! je puis vous assurer que tout cela sera parfaitement en règle.

Pemberton, prenant son chapeau, aurait bien voulu savoir à combien se montait ce « tout cela ». Les gens ont des idées si différentes ! Cependant les paroles de Mrs Moreen semblèrent engager la famille d’une façon assez définie pour provoquer de la part de l’enfant un drôle de petit commentaire sous la forme de la moqueuse exclamation française :

— Oh, là, là !

Pemberton, un peu confus, le regarda comme il se dirigeait vers la fenêtre, le dos tourné, les mains dans les poches, ayant l’air avec ses épaules vieillottes d’un petit garçon qui ne sait pas jouer. Le jeune homme se demandait s’il pourrait jamais le lui apprendre. Sa mère avait bien dit que jouer serait mauvais pour lui et que c’était la raison pour laquelle on ne le mettait pas au collège. Elle ne se montra nullement décontenancée et ajouta aimablement :

M. Moreen sera ravi de s’entendre avec vous. Comme je vous l’ai dit, il a été appelé à Londres et va y rester une semaine. Aussitôt qu’il sera revenu, vous causerez ensemble.

Cela fut dit d’une façon si franche et si amicale que le jeune homme ne put que répondre en riant comme la maîtresse de maison elle-même :

— Oh ! je ne pense pas que nous ayons de grandes difficultés !

— On vous donnera tout ce que vous voudrez, — remarqua inopinément l’enfant, revenant de la fenêtre. — Nous vivons sur un grand pied.

— Mon chéri, vous êtes vraiment trop original ! — s’écria sa mère, étendant la main pour le caresser.

Il se dégagea, jetant sur Pemberton un regard où se mêlaient l’intelligence et l’ingénuité. Celui-ci avait déjà eu le temps de constater que d’un moment à l’autre ce petit visage ironique semblait changer d’âge. En ce moment il paraissait enfantin ; pourtant il s’animait aussi sous l’influence d’intuitions et de connaissances singulières. Pem-