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AU PAYS DES PIERRES


XXVIII


Les herbes étaient brûlées sur le grand mur de rochers blancs.

Les ailes d’un oiseau migrateur rompirent le silence au-dessus des gorges.

André à cette époque évitait la forêt. On ne le voyait plus dans l’auberge, il ne s’arrêtait plus aussi souvent qu’autrefois devant la maison de Pierre. Quand il était libre, il allait là où nulle verdure ne poussait plus, mais où le regard de l’homme pouvait au moins s’étendre au loin.

Crevasses grises, rochers suspendus dans la ravine desséchée par la chaleur, d’une blancheur d’os, les débris de cailloux glissaient vers le gouffre avec un faible tintement incessant.

Le gars cachait son visage dans ses mains. Il lui semblait entendre alors le bruit du vent dans les champs de blé. De temps en temps, en haut, dans les éboulements des rocs, une pierre branlante se détachait. Le chien levait le museau. André y portait aussi les yeux et se réjouissait que le bruit ne fût pas provoqué par un homme.

Le silence se fit de nouveau. Seul le caillou roulait doucement dans la grande solitude.

Depuis qu’André et le chien blanc s’étaient rencontrés, ils ne s’étaient jamais plus séparés. Si la cloche signalait un train, l’animal se tenait raide, devant la maison, comme s’il était également de service. Pendant les inspections de la voie, il cheminait près du jeune homme le long des rails, et vers le soir, lorsqu’André balançait ses jambes dans le fossé au bord du talus, Sajo s’asseyait à côté de lui et regardait fixement dans la même direction que son maître. Très rarement, ils se penchaient l’un vers l’autre, comme s’ils se disaient des secrets, puis une heure passait presque sans que ni l’homme ni l’animal ne bougeassent la tête.

Un jour Jella les observait depuis déjà un bon moment. Soudain elle entendit parler de leur côté. La femme ne comprit pas à qui s’adressait André. Elle ne pouvait le voir à cause des buissons, et il était seul en cet endroit.