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LA REVUE DE PARIS

chait l’étreinte inaccessible qui reste toujours aussi distante que l’inaccessible lointain. Elle enfonça son front en feu dans l’épaule du jeune homme ; elle arracha sa blouse, elle voulut son cœur vivant. « Encore plus près ! Cesser d’être ! Ne faire qu’un avec lui ! Couler dans son corps, dans son sang ! À travers ses veines ! Voir dans le tréfonds de son être tout ce qui est invisible !… »

— Tu m’aimes donc vraiment ! Eh bien ! dis-le donc enfin !

Elle sentait que la bouche d’André souriait au-dessus de ses lèvres ; si proche, elle voyait que ses yeux étaient remplis de sourires, et elle ne pouvait comprendre son silence. Elle ne sentait que la pression de ses deux bras violents, qui étaient forts et qui lui faisaient si délicieusement mal !

Ils se tinrent longtemps immobiles, comme si, dans leur pauvre ignorance, ils avaient peur tous deux qu’en se quittant, soudain ils ne fussent rejetés loin l’un de l’autre.

— Pas encore ! Pas encore !

Et les deux mains de la femme se joignaient autour du cou de l’homme pour le retenir. L’ombre de ses cils s’allongeait, bleue sur son visage. Une surprise engourdie se réveillait derrière son front : jusqu’ici, elle avait cru que la haine seule était forte, aussi forte que son amour de maintenant.



XXV


Dans la cour de la maison de garde il y avait, sur le sol, une lanterne d’étable. À de faibles intervalles, des coups de hache inégaux craquaient dans le silence. Des éclats de bois jaillissaient à travers la lueur de la lanterne. Pierre coupait du bois dans le hangar.

André s’arrêta brusquement. Depuis que Jella lui appartenait, il avait oublié bien des choses qui auparavant le tourmentaient ; il y en avait d’autres qui ne lui étaient pas encore venues à l’esprit. Et maintenant… ainsi, tout à coup !… il regarda, avec pitié, vers le hangar.

Le silence se fit pour un instant. Pierre toussota. Les coups de hache débiles recommencèrent.

Jella haussa les épaules avec mépris, et dans l’obscurité