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AU PAYS DES PIERRES

Étoiles » se dégageait en gloire dans l’éclat du soleil, comme le solennel ostensoir sur le peuple prosterné.

C’étaient les plus beaux instants de Jella. Elle oubliait tout. Les nuées recouvraient le village. D’en bas, personne ne pouvait voir les montagnes. Alors, elles appartenaient à Jella seule…



XII


Giacinta n’était pas revenue et Jella l’attendait toujours. Si le vent lançait des feuilles sèches contre les vitres, souvent, elle courait à la porte, et la nuit, lorsqu’elle ne dormait qu’à demi, elle entendit plus d’une fois quelqu’un parler avec sa voix dans la maison vide.

« Mère !… Mère !… »

Alors, le matin, elle croyait avoir rêvé de sa mère…

Les soirées étaient déjà longues ; Jella regardait avec terreur vers la fenêtre, comme si l’hiver était assis là-bas, devant le seuil, dans l’obscurité, comme si son haleine se figeait sur les carreaux verts, boursouflés. Elle se rappelait le village couvert de neige, le grand silence dans lequel un chien même n’aboie pas, l’osier qui se transformait lentement en paniers entre ses genoux engourdis et les nuits glaciales, infinies, lorsque l’homme ne peut dormir parce qu’il a faim. Son regard se reportait par moment sur la brique branlante dans la maçonnerie de l’âtre. Mais qui pouvait donc retenir si longtemps sa mère ?

C’était un jour férié. Jella revenait des montagnes ; elle avait cueilli des champignons sur les pentes humides, là où le soleil brillait encore. Sur la route, un colporteur cheminait.

L’homme demanda où était l’auberge. La fille lui parla, parce qu’il était étranger. Peut-être saurait-il quelque chose de sa mère. Cependant elle ne l’interrogeait pas, elle marchait seulement près de lui et lui jetait parfois un regard furtif. Il devait venir de loin ; ça se voyait à ses bottes ! Il portait sur son dos une caisse noire. La courroie des bretelles s’enfonçait