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AU PAYS DES PIERRES

cloche de verre j’ai une belle sainte Vierge. J’ai aussi un chien d’albâtre. Je veux te les montrer.

Pendant qu’il parlait, il eut le sentiment que le départ de cette fille le ferait plus seul que jamais.

Jella regardait les taches brillantes du soleil disparaissant sous les arbres.

— Une autre fois, il est tard.

— Tu reviendras donc ?

La fille se redressa et se prit à rire.

Ils se dirigèrent vers la forêt.

Lorsque Jella franchit le talus, elle désigna la terre au-dessus des deux lignes noires.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Des rails. Le train court là-dessus.

La fille se souvint qu’elle avait entendu parler une fois, dans le village, d’une chose comme cela…

— Et toi qu’est-ce que tu fais ici ?

— Je suis garde-voie.

Ce détail n’intéressa pas Jella. Elle aima plutôt savoir comment était ce train, et d’où il venait. Les explications de l’homme ne firent qu’embrouiller ses idées.

— Dis-moi : ton train vient-il d’au-delà des montagnes ?

L’homme opina de la tête.

— De la Puszta ?

De la Puszta aussi…

— Alors, je ne l’aime pas.

— Pourquoi ne l’aimes-tu pas ? Je crois que mon grand-père s’est perdu dans cette contrée de là-bas. Mon grand-père aussi était Magyar.

Jella s’arrêta. Elle regardait, pensive, la terre.

— Monsieur le curé a dit que les Magyars étaient de puissants chiens à la gueule ensanglantée.

L’homme riait ; il toussa et son visage devint rouge.

— Tu n’es pas ainsi, — dit à mi-voix Jella, comme si elle devait réparer ce qu’elle venait de dire.

Elle leva soudain les yeux :

— Tu es meilleur que monsieur le curé. N’est-ce pas que tu t’appelles Cyrille ?

L’homme rit de nouveau et toussa aussi faiblement :