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beaux enfants vêtus de robes de lin vinrent au devant d’elles et les firent manger dans leurs mains. Mon approche ne mit en fuite ni les antilopes ni les enfants. Ceux-ci me saluèrent gravement en croisant leurs bras sur la poitrine et marchèrent devant moi en se tenant la main, pour me conduire à la demeure de Libanius, tandis que les biches et les gazelles rentraient à pas lents dans le bois en nous regardant, la tête haute. Tout était paisible dans ces silencieuses demeures et, comme notre Tabernacle, elle me semblaient à l’abri des hommes autant que si les chérubins les avaient gardées sous leurs ailes.

Les deux petits esclaves me conduisirent droit à la maison de Libanius. Je distinguai bientôt ce petit bâtiment carré, que vous connaissez, isolé des vingt ou trente maisons qui entourent de loin le temple de Daphné. Les enfants saluèrent en passant le petit autel de Mercure posé à l’entrée du péristyle et me firent asseoir dans une chambre assez grande qui servait de bibliothèque au savant solitaire. Ils me laissèrent seul pour aller l’avertir de mon arrivée et le chercher dans les bois.

Le soleil se couchait. Les ombres s’étendaient, et le silence était profond. Je me plaçai sur les tapis, dans un angle obscur de la chambre où j’étais et d’où l’on apercevait les sentiers qui venaient se réunir au pied de la maison, à travers les touffes de cyprès, de lauriers et de palmiers. Le ciel était sombre d’un côté et enflammé de l’autre, vers la mer. Les cyprès s’y découpaient en noir comme les petites pyramides de la Nécropolis de Thèbes. Tout me rappelait la ville des morts. En ce moment je vis passer à grands pas, dans une allée, deux hommes vêtus de robes brunes pareilles l’une à l’autre. Ils vinrent sous la fenêtre où j’étais couché, et l’un d’eux dit à son ami :

— Ceci est véritablement étrange, et je ne puis m’empêcher d’en être effrayé ; ces hommes ont-ils vu et entendu, ou ne font-ils que répéter des paroles des autres ?

— Ils ont vu et entendu, — répondit le second, — et leur témoignage ne peut être mis en doute. Ils sont de Jérusalem tous les deux et n’ont point d’intérêt à mentir.

— S’il en est ainsi, que fera notre Julien ? Pourquoi Paul de Larisse n’est-il pas revenu à Daphné s’entretenir avec nous pour lui reporter nos paroles ? Ah ! Jean ! nous sommes bien