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Comme ils regardaient cela, ils virent passer un groupe d’hommes sans masque, vêtus singulièrement. Ceux-ci étaient jeunes et beaux, ils avaient leur nom sur la poitrine ; ils adoraient un homme appelé Saint-Simon et prêchaient une foi nouvelle, essayant de fonder une société nouvelle.

La foule leur jetait des pierres et riait.

Ce ne fut pas tout. Ce qu’ils virent de plus lugubre, ce fut un prêtre qui vint et les suivit en disant :

— Je vous servirai et je vous imiterai.

» Les rois boivent du sang dans des crânes, les prêtres sont gorgés de biens, d’honneurs et de puissances, il faut que le peuple les détruise et que les armées secondent les peuples.

» J’écrirai pour vous une apocalypse saint-simonienne qui sera une œuvre de haine[1]. »

La foule l’écoutait et riait.

Alors ils rentrèrent tous deux remplis d’une tristesse profonde.

Stello regarda tristement le grand Christ d’ivoire.

Le Docteur Noir dit avec une gravité froide :

tout est consommé

Ils regardèrent la statue de Julien. À ses pieds était Luther, et plus bas Voltaire qui riait.

alfred de vigny
  1. Il s’agit très probablement de Lamennais, et de ses Paroles d’un croyant publiées en 1833, inspiration anti-monarchique et anti-cléricale, et à quoi peut convenir ce nom d’apocalypse saint-simonienne.