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ceux qui se nomment orthodoxes et ont deux évêques n’ont pris parti pour personne : les Macédoniens (élèves de Macédonius, l’évêque de Constantinople) sont survenus et ont eu le dessus pour un jour.

Hier la ville était encore émue de ce trouble, lorsqu’on a vu arriver des soldats exténués de fatigue et de faim qui ont annoncé la défaite de l’armée entière. Ils étaient suivis d’un grand nombre d’habitants de Ninive. Cette ville, contre toute attente, est livrée aux Perses. Les débris de l’armée sont rassemblés et retranchés dans une place qu’on appelle le Camp des Maures sur les limites du désert. C’est une chose horrible à voir que la joie féroce des habitants d’Antioche. Ils accablent de bouc et de pierres les malheureux soldats, à moins qu’ils ne tracent sur leur front le signe de la croix avec une couleur rouge et noire. Les oplites et les cavaliers gaulois que Julien avait emmenés de Lutèce ont été entièrement détruits, dit-on ; on ne sait encore ce qu’est devenu l’Empereur. Les légionnaires ont soutenu la retraite qui a été confuse et désastreuse. Les cavaliers perses ne cessent de harceler jour et nuit les soldats que la misère et le climat ont exténués. Ils ressemblent à des fantômes, et la plupart ne conservent de leurs armes que des tronçons de piques qui leur servent de bâtons. Ils ont les pieds sanglants, la tête enveloppée, et sont couverts de cicatrices.


troisième lettre


Le treizième jour du mois de Tamuz.

Si tu es bien, tout est bien.

L’arrivée des blessés ne cesse pas. Les Barbares occupent toutes les rives du Tigre et tous les châteaux qui les défendent, et Ninive leur a été cédée. Les Galiléens s’en réjouissent, et les moines courent dans les rues et assemblent le peuple à grands cris pour un nouveau projet, on ne sait lequel. Tout ce qui n’est pas chrétien ferme ses portes et se cache. Je ne retourne plus à Antioche, et je vais demeurer au faubourg de Daphné où Basile et Jean viennent de se retirer.