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autres, sans vous parler autrement qu’en présence des curiosi[1] de l’Empereur : voir adorer au Parthénon sans adorer, et se faire ainsi, à la fin, proclamer César ; relever les légions romaines, chasser les Barbares des Gaules et revenir Auguste, rendre Constantinople et Rome aux Dieux : en neuf ans, ce fut ce qu’il souffrit et ce qu’il fit. Alors il vous écrivit souvent, et ceux que Daphné envoya furent pontifes et magistrats suprêmes, quoique pas un de vous qui êtes ici ne voulût accepter d’or ni d’honneurs. Mais Julien en cela même nous est semblable : il est plus pauvre que moi et laisse, dit-il, ses revenus en dépôt chez ses sujets. Il ne veut que la vérité, la cherche et l’adore. Elle se voile de plus en plus à ses yeux et aux miens. Mais ce qui a été fait devait l’être, et c’était à ce que vous attendiez ; et, à présent, vous ne l’aidez plus, quand son édifice est à peine debout et encore ouvert à tous les vents du ciel !

Je pensai que Paul avait parlé avec trop d’audace à un homme tel que Libanius et je m’en effrayai pour lui ; mais, voyant Libanius sourire, Julien interrompit Paul de Larisse et lui dit avec impatience :

— Eh ! ne vois-tu pas que tout ce que tu as raconté est compris dans son image perfide ! C’est le filet où il a voulu nous prendre et dans lequel tu tombes. Je n’avais fait là, comme il le dit, que saisir mon ciseau et mon marteau. Mais ici, Libanius, arrêtons-nous et parlons en hommes. N’use point avec moi de la méthode lente de Socrate. Je n’ai que trente-deux ans encore, mais, quelque longue vie qui puisse m’être donnée par le Destin, je n’ai pas de temps à perdre pour achever mon ouvrage et je le laisserai peut-être à moitié.

« Depuis le jour où je suis sorti de Macella, je n’ai vécu, pensé, agi que pour sauver l’Empire, que les Galiléens et leurs folies ont mis à deux doigts de sa perte. Le présent ne m’a pas seulement occupé, mais l’avenir. Une fois éclairé par les évêques eux-mêmes sur l’homme que j’adorais comme Dieu, je n’ai plus considéré que le salut des hommes et les moyens de préserver le monde de l’ignorance qui détruit, en perpétuant la science qui conserve.

  1. Les espions.