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— on m’a dit que des feux souterrains avaient toujours consumé les ouvriers et que des prodiges t’avaient effrayé toi-même, grand Empereur.

Il reprit :

— On a dit même, encore, (et Jean et Basile sourirent avec dédain) on a dit que des croix de feu avaient paru sur Antioche et Jérusalem en même temps, tandis qu’on fouillait dans les fondations du Temple, et que ces croix s’imprégnaient sur les habits et sur les livres, sans qu’on pût les effacer ; on a dit que je n’avais pas osé poursuivre cette grande entreprise de relever votre Temple dont il ne doit pas rester pierre sur pierre, selon les Galiléens. Mais outre qu’il n’en reste déjà plus pierre sur pierre depuis Titus et Vespasien, ce qui rendait un miracle bien inutile, je ne pensais qu’à réunir votre malheureuse et patiente nation, par esprit de justice. Mais de vous-mêmes sont venus les obstacles : les Samaritains et les Cutéens[1] m’ont vite écrit que les Juifs cesseraient de payer les tributs et tenteraient de se soustraire à l’Empire Romain. Ils[2] ont fait quelques émeutes dans la vallée de Bet-Limon, et le gouverneur Alypius les avait provoquées en exigeant que le Temple fût construit sur un autre plan que celui de Salomon. Une légère secousse de tremblement de terre, la même qui fut ressentie à Nicée, à Nicomédie et à Constantinople, a augmenté le trouble de vos Hébreux et donné lieu aux fables folles des Galiléens ; j’ai voulu leur donner le temps de s’apaiser, et j’ai remis à l’année prochaine cette construction à laquelle je présiderai moi-même, si Adrastée[3] permet que je revienne de Perse. Voilà le vrai de cette histoire : mais le faux a prévalu comme toujours. Cependant les esprits vigoureux viennent à moi. Jamblique, Maxime, Euclide, Priscus, Elpidius, Amérius, sont venus à Constantinople et se sont pressés autour de moi. Mais vous, mes frères les plus chers, et vous, notre Père, vous m’avez oublié.

  1. Samarie fut prise en 718 par Salmanazar qui en transporta les habitants au delà de l’Euphrate, et les remplaça par des Kuthéens (ou Cutéens, selon l’orthographe de Vigny), d’origine assyrienne. Les Samaritains et les Juifs furent presque toujours en guerre ; les deux peuples avaient l’un pour l’autre l’aversion la plus prononcée.
  2. Les Juifs.
  3. La même déesse que Némésis.