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» Enfants, — dit-il en parlant aux esclaves adolescents, — s’il vient de nouveaux étrangers, conduisez-les avec respect, quels qu’ils soient, et j’irai leur parler et leur donner le salut du soir.

Les jeunes garçons nous servirent en revenant les colocases d’Égypte dans des ciboires d’argent, et des langoustes et d’autres poissons de mer dans des bassins.

On nous versait des vins de Chio, de Mysidie et d’Halicarnasse au moindre signe, mais sans insistance, et Libanius ni aucun de nous ne prononça le nom d’aucun mets ni pour offrir ni pour accepter, tant que le souper dura.

Nous entendions les étrangers parler à demi-voix, et j’en voyais passer quelques-uns qui se promenaient dans le péristyle en se donnant le bras, et s’entretenaient avec gravité et aussi avec mystère.

Ils venaient jusqu’à la porte de la salle que nous occupions, sans qu’on y prêtât la moindre attention, et soit que les tapis fussent levés ou abaissés, ils ne jetaient aucun regard sur nous, au delà du seuil, et se tenaient entre eux avec le respect toujours en usage.

— L’heure s’avance, — dit le bon Libanius, en regardant la clepsydre qui versait goutte à goutte les instants de cette nuit inquiète. — Basile, dis à Jean et à nous la première entrevue de Julien avec les nôtres, je te ferai voir la source de l’erreur. Te souviens-tu bien de Julien, et crois-tu qu’il soit content de lui, toi le moins jeune, toi Basile de Césarée, toi stoïcien sévère ? Tu le vis, je crois, avant nous tous, lorsque j’envoyai Paul de Larisse à Macella[1] ? Il est temps, il est temps de faire attention à lui et de lui écrire ou de l’aller trouver, car plus je songe à lui, plus il me semble qu’il ne comprend plus sa vie et ses chemins.

— J’y pensais, — répondit gravement Basile, et il se tut, ainsi que nous, se recueillant pendent quelques moments.

  1. Château de Cappadoce où, par ordre de l’empereur Constance, furent enfermés ses cousins Gallus et Julien.