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l’esprit des Chaouïa, notre prestige était réduit à néant ; notre constante immobilité les avait convaincus que nous étions impuissants à pénétrer dans l’intérieur des terres au delà de la zone commandée par les canons de la flotte. Aussi pouvait-on prévoir qu’une offensive rapide et de faible envergure ne suffirait plus, comme elle le pouvait quatre mois plus tôt, à amener la soumission des tribus hostiles, mais qu’il faudrait une longue campagne pour pacifier le pays et conquérir les gages d’une tranquillité durable.

Telle était la situation lorsque le général d’Amade fut appelé à prendre le commandement du corps expéditionnaire.

Entre la nomination du nouveau commandant en chef et son arrivée, des événements inattendus se déroulèrent à Casablanca. Le général Drude, en signalant la présence de l’ennemi à Médiouna, avait demandé des renforts pour le disperser ; mais avant leur arrivée, jugeant sans doute l’occasion favorable, il marcha avec cinq bataillons sur la Kasba et s’en empara après un court engagement pendant lequel l’ennemi n’offrit qu’une faible résistance. Le lendemain la colonne razziait un troupeau au marabout de Sidi Aïssa, situé à dix kilomètres au delà, puis le général rentrait à Casablanca où la majeure partie de la colonne le rejoignait peu après.

L’opération de Médiouna allait compliquer la tâche du nouveau commandant du corps expéditionnaire.

Après trois mois d’inaction absolue il eût été désirable, en effet, lorsqu’on prendrait l’offensive, de le faire avec une indépendance complète et tous les éléments nécessaires pour poursuivre les opérations sans arrêt et frapper une succession de coups capables de briser la résistance d’un ennemi dont la persévérance n’est pas la qualité dominante. Or le corps de débarquement ne possédait pas au commencement de janvier l’outillage rendant possible une campagne de ce genre. Les moyens de transport étaient absolument insuffisants. La pénurie d’animaux de bât et de trait était telle que la colonne qui avait pris Médiouna ne put s’y maintenir plus de deux jours faute de vivres et qu’il fallut faire rentrer quatre bataillons sur les cinq dont se composait son infanterie.

Dans ces conditions, le général d’Amade allait se trouver dans l’alternative, soit de continuer l’offensive avec des