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portée à son comble et éclata terrible. Elle groupa autour d’elle tous les princes mécontents, les ministres disgraciés, tous ceux qu’avait atteints le nouvel état de choses.

Elle fit un coup d’État, et reprit la direction des affaires : sans hésiter, elle ordonna l’arrestation des nouveaux conseillers de l’empereur et les fit décapiter. Trahi par Yuan-Che-K’ai sur qui il croyait pouvoir compter, K’ang-Yeou-Wei eut le temps de se sauver à Hong-Kong.

Quant à Kouang-Siu il laissa, de nouveau, le sceptre échapper de ses mains. Plutôt que de les armer du glaive, il les tendit aux chaînes. L’avenir était en marche, l’édifice commencé, une autre l’achèverait ; lui, incapable des violences sanglantes, malheureux, mais résigné, il s’en irait, au moins, pur de tout crime…

La peine capitale fut prononcée contre K’ang-Yeou-Wei et sa tête mise à prix. Elle valait, hier encore, douze cent mille francs.

Un jour, tandis qu’il était aux Indes, le réformateur reçut de quelqu’un de la cour une dépêche lui disant de revenir immédiatement, que l’empereur le rappelait. Sans défiance, il s’embarqua aussitôt, et arriva à Hong-Kong. Là il fut reconnu par des gens qu’épouvanta son imprudence : Il tombait dans un piège, rien n’était changé à la cour, il fallait repartir au plus vite ! Cette tête, de douze cents mille francs, ne tenta personne. K’ang-Yeou-Wei voyagea en Amérique, au Japon, où il prépara la rédaction de son grand ouvrage sur l’organisation des États-Unis du monde. Il est aujourd’hui en Angleterre, où il doit pleurer de tout son cœur le noble cœur qui s’était donné à lui et qui vient de cesser de battre.

Un mouvement de réaction suivit le coup d’État de l’impératrice, puis ce fut le soulèvement des Boxers. Après qu’il eût échoué, l’impératrice elle-même comprit qu’elle ne pouvait gouverner sans satisfaire aux besoins de réformes qui gagnait le pays. Elle reprit alors la plupart des idées de K’ang-Yeou-Wei, mais elle ne réussit pas à gagner l’opinion chinoise qui s’aperçut que la plupart des édits restaient lettre morte. K’ang-Yeou-Wei est dépassé ; dans le Sud et dans les provinces du Yang-tsé, des révolutionnaires s’organisent qui veulent substituer à la dynastie mandchoue un régime républicain. Les