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fécondes l’empereur en tutelle les pressentait déjà ; ces bienfaisantes réformes, il y avait songé. Ah ! s’il était libre, s’il pouvait faire plus libre son peuple !

Kouang-Siu voulut sans tarder voir celui dont l’écrit l’avait si profondément troublé ; l’entendre l’expliquer dans tous ses détails. Il accorda une audience à K’ang-Yeou-Wei, exigea qu’on le lui amenât.

Ah ! que l’on voudrait savoir ce que fut cette longue entrevue, où, du contact de deux cœurs généreux, jaillit une flamme si belle !… K’ang-Yeou-Wei le dira peut-être, un jour… Le résultat, immédiat, merveilleux, stupéfia la cour, enchanta l’empire. Le réformateur si aimé par le peuple devint le conseiller intime du Fils du Ciel.

Quoi, l’empereur avait donc pu secouer la tutelle, ressaisir le pouvoir ? L’optimisme de K’ang-Yeou-Wei ne s’était pas trompé : Le maître était un esprit supérieur, admirablement instruit, fin lettré, au courant de tout. Bien vite conquis, il puisait une énergie inconnue dans l’appui d’un cœur tout à lui, dans les conseils d’un homme de haute valeur. Pendant quelque temps l’empereur Kouang-Siu et son conseiller gouvernèrent la Chine, travaillant ardemment à son bonheur, à son émancipation.

Dans l’emportement du désir, impatient de réaliser de si beaux projets, ils édifièrent avec une hâte fébrile et manquèrent peut-être de prudence. Les institutions millénaires, si sacrées en Chine, croulant de toutes pièces, menaçaient de les écraser. Mais ils ne voyaient pas le danger ; l’exemple du Japon les exaltait ; ils voulaient marcher de pair avec lui, ne lui céder en rien. L’empereur ne parlait-il pas de modifier la coiffure tartare, de couper cette inutile natte, de changer le costume national ! le Mikado a bien revêtu un uniforme de général français, pourquoi le Fils du Ciel hésiterait-il à l’imiter ?…

Hélas !… ce fut là l’étincelle qui mit le feu à la mine. L’indignation de l’impératrice douairière, jusque-là contenue, fut