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À cette rancune séculaire, à cette agitation que fomente toujours l’espoir de la revanche, sont venus s’ajouter, en ces dernières années, des préoccupations nouvelles. Après la guerre de 1894 où ils furent vaincus par les Japonais, après l’annexion de Kiao-tcheou par les Allemands en 1897, de Port-Arthur et Ta-lien-wan par les Russes, de Wei-hai-wei par les Anglais, de Kouang-tcheou-wan par la France en 1898, les Chinois, à leur tour, regardèrent du côté de l’Occident ; ils voulurent savoir, acquérir eux aussi les connaissances qui ont donné aux Japonais leur puissance. Aujourd’hui des milliers d’étudiants et même d’étudiantes vont s’instruire dans tous les pays d’Europe, en Amérique, au Japon. Une jeunesse, ardente et enthousiaste, marche vers le progrès avec une hâte surprenante.

Il y a treize ans déjà, K’ang-Yeou-Wei avait pressenti la nécessité, pour son pays et pour la dynastie mandchoue, d’une réforme du gouvernement et des mœurs. Né à Canton, fils d’un lettré, membre de la Forêt des Mille Pinceaux (c’est le nom de l’Académie chinoise), K’ang-Yeou-Wei fit d’excellentes études, et revint, après les grands concours de Pékin, dans sa ville natale, où il fut professeur de philosophie. Il écrivit des poèmes, des romans, des études historiques ; commenta et expliqua les ouvrages de Confucius. Il fit des conférences humanitaires, sur les places publiques, devant un public de vingt ou trente mille auditeurs ! Ses compatriotes lui décernèrent alors le titre de : Grandeur Très Sainte.

Vivement intéressé par les sciences occidentales, il lut tous les ouvrages traduits en chinois. Mais cela ne lui suffisant pas, il apprit l’anglais et s’instruisit plus particulièrement sur les questions relatives aux gouvernements, aux législations, aux religions et il se rendit bien vite compte des réformes à apporter dans le gouvernement de son pays. K’ang-Yeou-Wei n’était pas un révolutionnaire. Ambitionnant la paix et l’harmonie universelle il ne voulait pas commencer par déchaîner la guerre.