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SOUVENIRS D’UN OFFICIER PRUSSIEN

qu’il faut attribuer la défaveur dont il devint brusquement l’objet ? L’année suivante, il ne fut pas inscrit sur la liste de proposition pour commandant de corps d’armée : de dépit, il demanda sa retraite « pour raisons de santé » et se retira à Berlin. Il employa son activité à écrire des livres à l’usage des soldats, qu’il aimait beaucoup malgré son apparente rudesse, et à publier d’intéressants articles de Revues. Il avait aussi conservé des relations de correspondance avec un certain nombre de camarades. Il prit une part active aux polémiques soulevées par l’apparition de l’ouvrage du grand état-major prussien sur la guerre franco-allemande. Il protesta avec la dernière énergie contre les assertions du grand état-major, au sujet du rôle joué par le IIIe corps.

En 1896, à l’occasion du 25e anniversaire du rétablissement de l’Empire, il reçut la décoration de l’Aigle Rouge de 1re classe « en souvenir de l’activité féconde en résultats dont il avait fait preuve, au cours de la campagne, comme officier attaché à l’état-major du IIIe corps ». Cette récompense tardive fut une consolation aux soucis d’ordre intime qui affligeaient ses dernières années : son cœur de soldat prussien avait souffert cruellement de l’entrée de sa fille dans les rangs du parti socialiste. Le 31 mars 1899, il mourut à peu près oublié. Il fut enterré, le jour de Pâques, dans le cimetière de la garnison, au milieu des casernes et des terrains d’exercices. Il avait exprimé lui-même le désir d’être enterré simplement ; il se serait cependant refusé à croire que cette cérémonie serait aussi simple. « À peine un petit groupe d’amis fidèles et de camarades assista au convoi ; de vieux soldats du 35e, son ancien régiment, portèrent le cercueil. Aucun piquet d’honneur dans la chapelle, aucune musique, aucun représentant de l’Empereur. On oublia même d’adresser à la veuve le télégramme habituel de condoléances[1]. »

Pierre Desrangs.
  1. Les renseignements biographiques qui précèdent sont extraits de l’Introduction écrite par madame Lily Braun.