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cheval ; je pensai qu’il était ivre, mais, lorsqu’il s’approcha, je reconnus qu’il était sous le coup d’une terrible émotion. Je cherchai à le calmer en évitant de lui adresser des paroles de nature à le blesser, « Vous me paraissez être un soldat de cœur, me dit-il très tranquillement. Dites-moi franchement, pouvions-nous encore nous battre ? — Oui, lui répondis-je, mais vraisemblablement sans espoir de succès. — Voyez-vous, me dit-il en pâlissant, dans ces conditions, autant mourir tout de suite. » Cet homme m’a produit une profonde impression[1].

Le 30 octobre, le IIIe corps se met en mouvement par Commercy, Ligny, Bar-sur-Aube, Troyes, Sens ; à maintes reprises, l’auteur s’extasie sur la beauté des régions parcourues en cette fin d’automne. De Sens, le IIIe corps gagne Pithiviers. Le 24 novembre, pour la première fois, il se heurte, au combat de Neuville, à l’armée de la Loire ; quelques jours plus tard, il prend une part active à l’affaire de Beaune-la-Rolande (28 nov.). Nouvelle période d’activité pour Kretschman : la nuit travail de bureau, le jour longues séances à cheval. À ce moment, l’armée de la Loire, sous d’Aurelle de Paladines, lutte désespérément contre l’armée du Prince Frédéric-Charles et contre celle du Grand-duc de Mecklembourg, dans l’espoir de tendre la main à la garnison de Paris. Soumises à des privations de toutes sortes, les troupes françaises sont, malgré leur bravoure, obligées de reculer.

Orléans est occupé par les Prussiens.

Quelles journées ! Un froid rigoureux, quatorze et seize heures à cheval, un morceau de pain sec pour toute nourriture et la mort tout près de nous ; toutes les horreurs de la guerre sous leurs aspects les plus variés. Mais Dieu veillait sur nous avec bonté : il nous a donné la victoire et il nous a laissé la vie[2] !

Le IIIe corps se lance à la poursuite des Français. Après une résistance opiniâtre, les débris de la Ire armée de la Loire réussissent à franchir la Loire à Châteauneuf et à Gien, dont elles font sauter les ponts. Alvensleben est rappelé avec ses troupes

  1. Lettre 82, Vernéville, 29 octobre.
  2. Lettre 115, Orléans, 6 décembre.