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attribue le rôle principal aux troupes avec lesquelles il a combattu. Le même état d’esprit se manifeste à diverses reprises, au cours de cette correspondance.

Les discussions, soulevées sur la question : à qui revient l’honneur de la victoire de Spicheren ? produisent sur Kretschman une impression plutôt fâcheuse ; il revient en plusieurs endroits sur cet incident :

Le souvenir de la bonne contenance du IIIe corps, au combat de Spicheren, a été effacé par suite des mensonges qui se sont propagés au VIIIe corps. Le général Gœben a écrit ou fait écrire aux journaux (chez nous, ces procédés sont interdits). Il a reçu, à ce propos, du Roi un ordre du cabinet, dont le contenu nous a été communiqué : il ne devrait pas oublier que, sans la prompte intervention du général d’Alvensleben, il eut été battu. Des discussions de cette nature sont bien tristes. Lorsque le 6 août, je me portai à cheval auprès du général de Kamecke pour lui demander où en était le combat, il me répondit : Je n’ai plus de division ; les quelques troupes qui sont là-bas, c’est tout ce qui me reste. Aujourd’hui, tout cela est contesté[1].

Les premiers revers ont, au dire de Kretschman, jeté la démoralisation dans les rangs des Français. La marche de Sarrebrück jusqu’aux environs de Metz lui offre le spectacle d’un mouvement exécuté précipitamment par une armée démoralisée. Partout, des tranchées, des maisons crénelées, les indices extérieurs de la volonté de se battre, et jamais cette volonté n’est mise à exécution. Dans sa haine des Français, Kretschman ajoute : « Des bataillons s’éloignent devant nos patrouilles de uhlans[2] ». À cette prétendue démoralisation, il oppose l’enthousiasme grandissant des troupes allemandes :

Quand, à travers les villes françaises, on entend chanter Je suis Prussien ou la Wacht am Rhein par les compagnies décimées marchant au pas, conduites par un officier de réserve, parce que les autres sont morts ou blessés — et cela, après de longs jours passés au bivouac sous la pluie, et bien que chacun ait laissé sur le champ de bataille qui un ami, qui un compatriote — sais-tu qu’à ce moment là le cœur vous bat plus fort ! [3]

  1. Lettre 15, Jouaville, 25 août.
  2. Lettre 10, Faulquemont, 12 août.
  3. Ibid.