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Le major de Kretschman réalise d’une façon absolue le type du soldat prussien : « amour aveugle poussé jusqu’à l’abnégation pour le Roi et pour la patrie ; foi absolue en un Dieu qui se présente plus sous les traits d’Odin que sous ceux du père du Christ ; strict sentiment du devoir, qui réprime d’une façon souvent brutale tout autre sentiment ; intransigeance étroite qui désapprouve toute manière de voir qui n’est pas la sienne ; amour fidèle, poussé jusqu’au dévouement, pour sa femme et pour son enfant ; rigoureux sentiment de l’honneur qui ne connaît d’autre loi que la loi morale ; fierté inflexible, devant laquelle s’effacent tous les autres traits du caractère[1] ». Ajoutez la haine qu’il porte à tout ce qui est Français, et le profond mépris qu’il a pour la France, pour ses habitants, pour ses hommes politiques, pour son gouvernement.

Le père de Hans de Kretschman était un officier de la garde prussienne, qui, au mépris des préjugés aristocratiques de son temps, n’avait pas hésité à épouser une jeune fille de la bourgeoisie berlinoise. Une fois admis à la retraite, il s’était retiré dans une propriété qu’il possédait aux environs de Berlin et avait laissé, après sa mort, survenue en 1845, une veuve et cinq enfants dans une situation de fortune peu brillante[2]. Hans était né à Charlottenburg le 21 août 1832 ; il était donc à peine âgé de quatorze ans à la mort de son père. Il avait eu beaucoup à souffrir du caractère violent et brutal de celui-ci. Sa mère, veuve et sans fortune, s’imposa la tâche ardue de donner à ses enfants une éducation convenable : pour faire de ses fils des « hommes d’action », elle n’hésita pas à se montrer à leur égard ferme et sévère.

Hans de Kretschman, après de bonnes études dans les collèges de Brieg et de Guben, entra à dix-sept ans au régiment des Grenadiers de la Garde No8 ; il y resta trois ans et demi. « Il n’avait qu’une réelle passion : les chevaux. Malgré la supériorité militaire qu’il reconnaissait à l’infanterie, il devait regretter jusque dans sa vieillesse que sa situation de fortune ne lui eût pas permis de servir dans la cavalerie… Pourtant, aussitôt que ses ressources le lui permirent, il fit, comme

  1. Kriegsbriefe von H. v. Kretschman, Introduction, p. I.
  2. Introduction, p. IV.