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venait saluer le docteur. Quelques paroles furent échangées, et, au moment où les trois hommes allaient s’éloigner, Lenoël, très brièvement, les nomma à la jeune fille.

— Ils ont voulu vous regarder de plus près ! — dit-il ensuite, un peu agacé.

Louise et le docteur s’attardèrent encore parmi les tables abandonnées et les bouquets qui s’effeuillaient, puis il offrit de faire quelques pas dans l’allée de tilleuls, avant de rentrer.

Les promeneurs, à deux ou réunis en petits groupes, cheminaient sous la nuit clémente, qui les enveloppait de son mystère. Au bout de l’allée, à l’endroit où s’arrêtait l’éclairage, un sentier aboutissait, qui, plongeant dans le noir, opposait aux curieux son ombre profonde. Et, de temps en temps, on voyait apparaître des couples encore tendrement enlacés, et qui, chaussés d’affreuses bottines, semblaient marcher dans leur rêve.

— Diable ! — s’écria tout à coup le docteur, — voici la princesse !

Et Louise aperçut une grosse dame blonde, rose, émue et parée, et qui, s’appuyant au bras d’un très jeune officier, venait de surgir de la route sombre.

— Feindre de ne pas la reconnaître — dit Lenoël — serait une impertinence.

D’ailleurs ce fut elle qui alla à lui, après avoir quitté son compagnon.

— Eh bien, docteur, — fit-elle, — je vous surprends de nouveau en romanesque aventure ! Je ne croirai plus désormais à toutes vos belles maximes stoïques : vous les réservez pour les dames allemandes.

— Princesse, — répondit Lenoël, en lui baisant la main, — vous auriez bien tort. Notre âme n’est pas la vôtre, nous ne trempons pas dans le même air que vous, et, lorsqu’un Français et une Française causent ensemble, il y a dix à parier contre un qu’ils ne causent pas d’amour, ou du moins de leur amour. Nous sommes légers, moqueurs et cyniques, et nos femmes ne sont pas plus sérieuses que nous.

— S’il en est ainsi, — répondit la princesse, — je vous plains, je vous plains profondément. Vous vous figurez être les sages, et vous êtes les dupes, puisque avec une puérile folie