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d’hôtel lui présentait deux cartes : « Freiherr von Lützburg », « Graff Wildenstein ».

Sur l’une des cartes se lisait en français : « Mon ami et moi serions heureux de nous mettre à la disposition de mademoiselle Kérouall, et de lui faire les honneurs du pays. »

Louise renvoya les cartes en disant qu’elle ignorait qui étaient ces messieurs.

Désormais, plus encore, elle tâcha de se glisser rapide et furtive à travers ces groupes qui la guettaient du fond de leur oisiveté maussade.

Parfois, en se promenant, elle se prenait à songer à ce billet qu’elle avait adressé au docteur Lenoël : peut-être s’était-il perdu, peut-être encore, étant arrivé, ne serait-il jamais lu. Alors elle se le figurait égaré dans cet amas de papiers, d’enveloppes timbrées de tous les pays, qui encombraient la table du professeur lorsqu’elle lui avait rendu visite…

Une quinzaine s’était écoulée depuis l’arrivée de Louise dans la petite ville d’eaux. Vers deux heures de l’après-midi, à cause de l’ardeur brûlante de l’air, elle avait clos les persiennes de sa chambre. Parmi l’ombre qui l’emplissait, flottait une poussière d’or semblable à une fine poudre de soleil, et, dans le silence, on n’entendait que le vol d’une grosse mouche bourdonnante qui menait toute seule la cadence de l’été. Louise, à demi étendue sur un petit divan, tenait un livre et fermait les yeux, et son léger peignoir, d’où s’échappaient ses bras blancs, s’entr’ouvrait sur sa poitrine.

On frappa, et de nouveau un garçon d’hôtel lui présenta une carte. Cette fois, son émoi fut grand ; elle lisait ces deux mots : « Professeur Lenoël ».

— Je le recevrai, — dit-elle.

Elle s’était levée, et, toute pâle dans le demi-jour, avec l’auréole de ses cheveux blonds, elle ressemblait à quelque sainte de l’école vénitienne, une Ursule ou une Catherine, offrant d’une grâce altière ses charmes délicieux au bourreau.

Le docteur était entré et, lui prenant la main, la regardait.

— Mon enfant, je suis étonné et ravi en vous revoyant. Je ne reconnais plus la petite fille dolente d’il y a un mois. Vous étiez un rayon de lune, et vous voici rayon de soleil.